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REVUE. — CHRONIQUE.

taires. Il est vrai qu’il faut ajouter à ce chiffre les frais de l’armée des Indes, qui sont à la charge de la compagnie ; mais là aussi il y a déficit, et déficit énorme.

C’est pour arriver à ce résultat que l’Angleterre doit faire l’immense effort qui lui est demandé aujourd’hui ; et si la guerre éclatait en Europe, que pourrait-elle donc ? La France, dans ce cas, aurait devant elle des ressources que l’Angleterre n’a plus. Avant d’en venir au point où en est dès aujourd’hui l’Angleterre, la France aurait 900 millions à demander à l’impôt par an, et près de 20 milliards au crédit. La marge est belle, comme on voit.

Et nous n’avons parlé jusqu’ici que de ce qui résulte de la force même des choses, en supposant que la constitution économique de la France reste absolument ce qu’elle est. Mais il faut espérer qu’il n’en sera pas ainsi, et que cette prospérité financière, dont l’Angleterre a lieu d’être jalouse, ne s’accroîtra pas seulement par sa propre impulsion, et qu’elle recevra en outre les nouveaux alimens qu’il dépend de nous de lui donner.

Il est sans doute fort commode de pouvoir emprunter de quoi faire les chemins de fer, mais il vaudrait mieux les faire sans emprunter. Il est bon d’avoir du crédit, il est meilleur de n’en pas user. Pour cela, il n’y a que deux moyens, car nous reconnaissons que la dette flottante, dont on dit tant de merveilles, n’est qu’un expédient qui a ses limites : 1o réduire les dépenses publiques ; 2o augmenter les recettes. Le premier moyen n’est guère applicable qu’en ce qui concerne Alger, car il ne serait pas utile d’interrompre les travaux publics extraordinaires, et, dans l’état actuel de l’Europe, il est difficile de réduire les armemens intérieurs. Pour Alger lui-même, il est convenu qu’on veut achever la conquête à tout prix. Reste donc le second moyen, qui n’est pas aussi impraticable qu’il le paraît au premier abord.

Sous ce rapport, les finances anglaises peuvent nous donner plus d’un modèle utile ; nous allons en choisir un.

Au premier rang des revenus publics du royaume-uni, figure le produit des douanes (customs) ; il forme à lui seul près de la moitié du budget des recettes. Il est évalué, pour l’exercice 1842-1843, à 562 millions (22,500,000 livres sterling), toujours déduction faite des frais de perception et des non-valeurs, ce qui porte à plus de 600 millions la recette réelle.

En France, les droits à percevoir par la douane, en 1843, sont évalués à 130 millions, dont un million et demi pour les droits perçus à l’exportation, et le reste sur les importations. Si de ce chiffre on retranche les frais de perception qui sont de 24 millions, les non-valeurs qui sont de plus de 2 millions, et les primes à l’exportation qui sont de 11 millions, soit en tout 37 ou 38 millions, on trouve, pour le bénéfice effectif des douanes, 92 millions, ou un peu plus du sixième des douanes anglaises ; c’est trop peu.

Il est vrai qu’en France, il faut ajouter à la recette des douanes, pour établir la comparaison, le produit des tabacs. Il n’y a pas de monopole des tabacs en Angleterre ; les revenus que le tabac rapporte à l’échiquier lui parviennent tout entiers par les douanes. Or, en France, le produit du tabac est