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REVUE. — CHRONIQUE.

Ce déficit prévu pour 1843 n’est pas le seul dans les deux pays. Il y a dans l’un et dans l’autre un arriéré. En Angleterre, le déficit arriéré est évalué, par sir Robert Peel, à 251 millions 800,000 fr. (10,072,000 liv. st.). En France, le déficit arriéré a été évalué, par M. Humann, à 300 millions. Mais cette apparente conformité cache des différences profondes. En Angleterre, le déficit est essentiel et destiné à s’accroître ; en France, il est accidentel et tend à s’atténuer.

En Angleterre, on a supprimé tout fonds d’amortissement de la dette et posé en principe qu’il n’y avait d’autre amortissement que l’excédant des recettes sur les dépenses.

En France, on porte en dépenses, pour 1843, 96 millions pour l’amortissement. Il est vrai que de ces 96 millions 75 sont détournés pour former le fonds des travaux extraordinaires, nais il reste toujours 21 millions affectés à l’amortissement proprement dit. Supprimez ces 21 millions, comme l’ont fait les Anglais, et notre déficit disparaît.

Il est d’ailleurs un autre moyen de réduire les dépenses publiques que nous aurions pu employer si nous avions voulu, et qui n’est plus à la disposition des Anglais. C’est la conversion des rentes. Depuis 1815, les Anglais ont réduit par la conversion les intérêts de leur dette de 58 millions par an. Ils ne peuvent pas aller plus loin sans tomber dans la banqueroute. Nous, au contraire, nous nous sommes arrêtés au moment d’entrer dans cette voie. Nous aurions cependant pu gagner par là une quinzaine de millions par an.

On le voit donc, si notre budget était établi sur les mêmes bases que celui de l’Angleterre, c’est-à-dire sans amortissement et avec une conversion préalable, nous aurions un excédant au lieu d’un déficit.

Ce n’est pas tout ; notre déficit, si déficit il y a, n’est pas amené par la diminution des recettes, mais par l’extension subite des dépenses. Nous avions déjà les dépenses d’Alger et le budget extraordinaire des travaux publics que nous supportions sans gêne, quand les armemens de 1840 et les fortifications de Paris sont venus rompre l’équilibre. C’est là un mal passager et qui date d’hier ; en Angleterre, il est ancien et invétéré. Depuis sept ans, il y a chez nos voisins insuffisance progressive des recettes sans qu’il y ait un accroissement parallèle des dépenses. Le revenu public est atteint dans ses sources même.

Aussi l’augmentation constante du produit des contributions indirectes suffira-t-elle pour nous débarrasser, dès 1844, de notre apparent déficit annuel, tandis qu’en Angleterre il a fallu pourvoir d’avance à de nouveaux découverts, au lieu de songer à profiter d’excédans à venir.

Il faut espérer, d’ailleurs, qu’il viendra un moment où nous cesserons de jeter 100 millions en Afrique tous les ans, soit que le pays commence enfin à nous rendre quelque chose en échange de nos sacrifices, soit que nous prenions le parti de restreindre notre domination aux points que nous pourrons occuper sans des frais excessifs. Dans tous les cas, il dépend de notre volonté de réduire nos dépenses sur ce point.