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qu’aucun de nos poètes n’ait osé mettre sur la scène ce sujet sans épisode et dans toute sa simplicité antique. Cette tragédie ne serait-elle pas bien plus attachante si elle était débarrassée des fades amours du roi de Naxe et de l’inutile présence de Pirithoüs ? Combien l’action ne gagnerait-elle pas à ne se passer qu’entre trois personnages, Thésée, Phèdre et Ariane, et à n’avoir pour scène, au lieu d’un palais, que les rochers sauvages d’une des Cyclades ! Combien la triste Ariane, abandonnée sur une plage déserte, comme l’a si bien peinte le grand poète Catulle, seule et se plaignant au ciel et aux vagues qui emportent Thésée, serait plus poétique et plus intéressante qu’Ariane se lamentant avec Nérine et avec Pirithoüs, en présence d’un roi amoureux ! Combien notre grande actrice serait plus belle et plus sublime dans cette muette solitude ! Je sais un poète qui rêve une tragédie dans la pure forme grecque ; pour un pareil dessein, une Ariane à trois personnages, et avec un chœur, serait le plus heureux sujet qu’on pût choisir.



BUDGETS DE LA FRANCE ET DE L’ANGLETERRE.

La présentation récente du budget anglais a appelé l’attention de l’Europe sur la situation financière de nos voisins d’outre-mer. En venant proposer au milieu de la paix l’établissement d’une taxe qui n’a eu de précédens que dans les plus rudes temps de la guerre contre la France, sir Robert Peel a fait mesurer aux yeux étonnés la profondeur du goufre qui s’était ouvert sous l’édifice colossal des finances britanniques ; mais en même temps ce goufre est sur le point d’être comblé avec la résolution particulière à cette étonnante nation, et l’idée qu’on se fait de sa richesse n’a fait que s’accroître.

D’un autre côté, la présentation du projet de loi sur les chemins de fer a succédé de si près aux lugubres peintures qui nous avaient été faites l’année dernière de l’état de nos finances, que beaucoup d’esprits s’en sont effrayés ; on a dit et répété que la France marchait à sa ruine, qu’elle s’imposait plus de charges qu’elle n’en pouvait supporter, et que nous n’avions pas, pour nous tirer d’affaire, les mêmes ressources que les Anglais.

Pour aider à rétablir les idées sur ce point délicat, il ne sera peut-être pas inutile de présenter une comparaison du budget anglais et du budget français ; on verra que, dans cette comparaison des deux plus puissans budgets du monde, l’avantage réel est de notre côté.

Le total du budget des recettes du royaume-uni, tel qu’il a été présenté par sir Robert Peel, pour l’année 1842-1843 (on sait que les Anglais commencent l’année financière le 5 avril), est évalué à douze cent huit millions 750,000 francs (48,350,000 livres sterling). Au premier abord, ce chiffre paraît inférieur à celui de notre budget des recettes, qui est porté dans l’exposé des motifs pour 1843 à douze cent quatre-vingt-quatre millions 105,000 fr. ; mais il est en réalité fort supérieur. Voici comment.