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les pays où le courage bouillant est commun, l’imprudence, la témérité, l’étourderie, ne sont pas rares. Les peuples aussi ont les défauts de leurs qualités. Il appartient à l’autorité de modérer l’impétuosité individuelle, et de prescrire les précautions que l’intérêt où la légèreté pourraient négliger, surtout lorsque cette négligence peut devenir la cause d’effroyables désastres. En attendant, il est doux de pouvoir rappeler qu’au milieu de tant de faits douloureux, rien n’a manqué de ce qui pouvait apporter quelque adoucissement à de si terribles malheurs, ni la sollicitude du roi, ni le zèle de toutes les autorités civiles et militaires, ni le dévouement des citoyens.

Aujourd’hui seulement on apprend que la ville de Hambourg n’a pas entièrement cessé d’exister. L’incendie qui la dévorait depuis quatre jours paraissait s’animer de ses ravages et vouloir tout consumer. On avait répandu le bruit que des scélérats étendaient de leurs propres mains cet épouvantable désastre, en mettant le feu aux parties non encore atteintes par les flammes. Ce fait est aujourd’hui démenti. Il paraissait d’autant plus croyable qu’il rappelait plus d’un fait de même nature et non moins horrible. C’est en effet une curieuse et intéressante étude que celle de l’agitation, je dirai presque du bouillonnement, que produisent dans le cœur de l’homme les grandes catastrophes. On dirait que tout vient à flot ; le bien et le mal, les bonnes et les mauvaises passions, apparaissent dans toute leur énergie, dans toute leur violence. Les dévouemens sont admirables, les crimes énormes. On peut également rencontrer des anges et des démons parmi les horreurs d’une peste, les ruines d’un tremblement de terre, les ravages d’un vaste incendie. Le crime aussi laisse alors les lois du calcul pour obéir aux inspirations d’une imagination déréglée. On n’ajoute pas au malheur uniquement pour voler, pour piller, par haine, par vengeance ; on lance un brandon pour étendre l’incendie, pour donner au désastre des proportions gigantesques, pour rendre le désespoir plus général, plus profond, et s’enivrer soi-même des émotions de la douleur publique. Heureusement Hambourg n’a pas eu à redouter ces égaremens du cœur humain. Le désastre n’est pas moins grand, et les pertes sont immenses. Il est difficile qu’on ne s’en ressente pas dans d’autres places de commerce. On dit que de grandes valeurs en marchandises ont été détruites, et le nombre des maisons brûlées est si considérable, que les compagnies d’assurances auront peut-être quelque peine à remplir leurs engagemens.

La chambre des députés, après une longue et, il faut le dire, peu fructueuse discussion, a enfin voté la loi des chemins de fer. Elle l’a votée à une immense majorité. Nous n’en sommes pas surpris. Quelques reproches qu’on puisse faire à la loi, encore fallait-il répondre à l’attente du pays, et ne pas blesser l’opinion publique. Au fait, le public s’inquiète peu des termes de la loi. Il sait très bien que le classement n’est qu’une sorte de prospectus sur lequel, certes, il ne valait pas la peine de disputer une semaine entière ; il sait que si la part contributive des départemens et des communes, et le concours de l’industrie privée, se trouvaient n’être pas réglés de la manière la plus équitable et la plus utile, on pourrait par la suite modifier telle ou telle