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un concours scénique destiné à solenniser le retour à Athènes des os de Thésée ; ce qui prouve suffisamment qu’il y avait dans cette ville des concours tragiques à d’autres occasions que les quatres fêtes dionysiaques.

Nous croyons devoir citer un second exemple des hésitations consciencieuses, et pourtant regrettables, qui empêchent quelquefois l’habile et trop modeste critique de trancher les difficultés de son sujet d’une façon suffisamment concluante et décisive. Voici comment s’exprime M. Patin au sujet du costume scénique, une des plus importantes questions assurément qui se puisse offrir dans une histoire de la tragédie grecque.

« La nécessité, dit M. Patin, de s’adresser, en même temps, dans de si grands théâtres à de si nombreux spectateurs, amena l’emploi de divers moyens matériels qui permettaient de reconnaître et d’entendre facilement des acteurs placés à une si grande distance des yeux et des oreilles. De là tous les usages si étrangers à l’art moderne et qu’il faut se garder de condamner légèrement ; de là ces masques qui reproduisaient les traits généralement attribués aux personnages mythologiques, et qui les annonçaient avant qu’on les eût nommés ; ces procédés ingénieux qui avaient pour but de grossir la voix de l’acteur et de la porter au loin ; les cothurnes, ces amples vêtemens, ces robes longues et flottantes qui leur donnaient les proportions réclamées par le besoin de la perspective théâtrale, par le grandiose de la composition poétique, et sous lesquelles l’imagination se figurait les héros qu’il représentait. On peut croire que chez un peuple si amoureux du beau, qui l’exprimait avec tant de génie et de goût dans tous les arts à la fois, jamais ces moyens d’imitation ne furent portés, dans la tragédie du moins, jusqu’à cette exagération monstrueuse et grotesque dont quelques modernes, après certains anciens, il est vrai, après Lucien, qui s’égaie souvent à ce sujet, après Philostrate, se sont plu à tracer des tableaux de fantaisie. Sans doute ces personnages héroïques qui se montraient sur la scène n’offraient point un contraste trop choquant avec les belles représentations de la nature que produisait dans le même temps le ciseau des artistes grecs ; tout porte à penser, au contraire, qu’ils les rappelaient par la grace et la noblesse de leurs attitudes, de leurs mouvemens, et même par ces traits empruntés que leur prêtait la statuaire, et qui, grace à l’éloignement, semblaient perdre quelque chose de leur immobilité. Si on lit avec attention les ouvrages des tragiques grecs, on ne pourra manquer de s’apercevoir que tout y était calculé pour le plaisir des