plus profonde barbarie, les plus purs écrivains de l’antiquité ont été le plus en honneur. Le nom littéraire le plus célébré et le plus populaire, au moyen-âge, a été sans comparaison celui de Virgile.
Au reste, le seul défaut peut-être qui mérite véritablement d’être signalé dans ce morceau de critique historique, c’est un peu d’indécision et (chose assurément fort rare par le temps qui court) trop de circonspection et de timidité dans la solution de quelques-uns des problèmes que présente l’histoire de la tragédie antique. M. Patin, par exemple, pousse la réserve jusqu’à n’exprimer qu’avec de certaines formules dubitatives des opinions qui ne sont pas contestables. Ainsi, après avoir montré la tragédie grecque se dégageant et sortant peu à peu des chants et des danses dithyrambiques, qui s’exécutaient à divers momens de l’année autour de l’autel de Bacchus, il ajoute : — « Née au milieu des cérémonies de la religion, faisant, pour ainsi dire, partie du culte public, la tragédie…, etc. » — ce pour ainsi dire affaiblit sans nécessité une proposition qui n’avait assurément rien de hasardé ni de paradoxal. Il est bien avéré, en effet, que les concours dionysiaques formaient une partie, et une des parties les plus essentielles du culte national en Grèce. Il eût été désirable qu’au lieu d’atténuer cette judicieuse assertion, M. Patin l’eût étayée de toutes les preuves instructives et piquantes que sa mémoire et ses lectures pouvaient aisément lui suggérer. Ainsi l’on sait, à n’en pas douter, qu’avant les représentations scéniques, les théâtres grecs étaient purifiés par des sacrifices ; on brûlait des parfums dans l’orchestre, notamment le styrax, cette plante résineuse de l’Arabie[1]. « Quel jeu s’est jamais accompli sans sacrifices ? » s’écrie saint Cyprien ? À Athènes, des prêtres, qui portaient le nom de péristiarques, étaient spécialement chargés de ces actes propitiatoires auxquels présidaient ou s’associaient les principaux magistrats, entre autres le second archonte. Nous voyons dans Plutarque Cimon, suivi de ses neuf collègues, les généraux de la république, entrer au théâtre le jour où l’on allait jouer la première tragédie de Sophocle, et faire, avant de s’asseoir, les libations accoutumées. Les poètes qui devaient prendre part aux concours tragiques s’avançaient le front ceint d’une couronne, brûlaient de l’encens sur l’autel et adressaient une prière aux Muses[2]. Le prêtre de Bacchus avait sa place marquée au premier rang du théâtre, c’est-à-dire sur les siéges les