Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
REVUE DES DEUX MONDES.

mêmes gagnent à ce rapprochement, ils s’instruisent mutuellement, ils s’aident, ils se piquent d’émulation, ils forment de concert des entreprises qui tournent au profit de la science. Qui ne voit que l’enseignement du droit appelle un professeur de morale, que la psychologie dirige, complète, rectifie les recherches anatomiques et physiologiques, tandis que le philosophe, à son tour, apprend des docteurs de la loi écrite à mieux comprendre la loi naturelle, et puise dans l’étude des conditions de la vie organique de nouvelles lumières sur les phénomènes du moi ? La mesure qui fut prise comblait une grande lacune, et fut conçue dans les plus sages principes. Strasbourg, Dijon, Besançon, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Caen, possèdent aujourd’hui une école de droit, une école de médecine du premier ou du second degré, une faculté des lettres et une faculté des sciences.

Ces universités ont-elles répondu aux espérances qu’on avait dû concevoir ? Quels résultats ont-elles produits ? Si tant de ressources sont remises à des mains infidèles, si les ouvriers s’endorment à leur rang, dans l’espoir d’y être oubliés, s’ils corrompent la morale publique au lieu de l’éclairer et de la diriger, si aucun mémoire, aucun livre important ne signale le réveil des études philosophiques en province, ne faut-il pas que la critique s’en occupe et que l’opinion publique soit avertie ? Qui songeait, avant toutes les querelles élevées dans ces derniers temps par le clergé, qu’il y eût à Toulouse ou à Strasbourg un enseignement public de la philosophie, et qu’on y faisait sans bruit un peu de bien, ou que l’on y pervertissait impunément la jeunesse par de détestables doctrines ? Ces attaques, dont quelques esprits se préoccupent, quand elles ne porteraient que sur des faits mal compris ou exagérés, n’en serviront pas moins la cause de la philosophie et des lettres. N’est-ce rien que d’attirer tout de nouveau l’attention du public sur l’éducation, d’éveiller la critique sur le mouvement littéraire et philosophique de la province, de contraindre les professeurs à plus d’efforts et de vigilance, parce qu’ils se sentent surveillés ? Si on accuse les professeurs d’être panthéistes, et qu’ils se défendent en soutenant qu’ils ne le sont pas, il n’y a que le panthéisme qui y perde. La discussion, la publicité, c’est la condition de la philosophie et son triomphe. Il vaut mieux pour elle être calomniée et persécutée que d’être oubliée.

Toutefois, on ne doit pas se hâter de juger. Rien de bon ne se fonde qu’avec le temps. Les nouvelles facultés ne peuvent être jusqu’ici que des colonies qui représentent en province l’état des sciences et des