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DU CALVINISME.

sont sortis du siége de Rome, qui les fomente encore après les avoir produits. L’autorité des conciles n’est pas non plus reconnue par Calvin. Il convient volontiers que les plus anciens conciles, comme celui de Nicée, celui de Constantinople, le premier tenu à Éphèse, le concile de Chalcédoine, et quelques autres, ont condamné utilement les erreurs des hérétiques ; mais la décadence a été prompte. Qui ne connaît les combats que les conciles se sont livrés les uns aux autres, les derniers renversant ce que les premiers avaient établi ? Et même dans les anciens conciles, qui ont été les plus purs, on trouverait, si l’on cherchait bien, quelque chose à reprendre. L’Esprit saint a permis que les infirmités humaines y fussent mêlées, pour nous enseigner qu’il ne faut pas trop se confier en la parole des hommes. Les décisions des conciles n’obligent donc personne, et c’est à tort qu’on leur attribue l’infaillibilité.

Dieu est l’unique législateur, et l’église catholique commet une véritable usurpation quand elle tyrannise la conscience par ses innombrables constitutions sur les cérémonies et sur le culte. Par la manière dont il veut parler aux sens et à l’imagination, le catholicisme fait retomber les chrétiens dans une espèce de judaïsme. N’est-il pas condamnable, demande Calvin, d’user de cérémonies inintelligibles pour amuser les hommes comme à une comédie ou à des enchantemens magiques[1] ? La juridiction de l’église a pour objet les mœurs et le maintien de l’ordre ; l’église y pourvoit, soit par des peines purement spirituelles, soit par des règlemens qui ne sauraient violer les lois constitutives de la nature humaine. C’est à ce dernier devoir qu’a manqué l’église catholique, quand elle a défendu à ses prêtres de se marier. Elle est tombée dans l’impiété de défendre aux hommes ce que Dieu a laissé à notre liberté. La tyrannie de l’église catholique est sensible aussi par les vœux qu’elle provoque et qu’elle autorise. Calvin accable le monachisme ; il oppose encore sur ce point les mœurs antiques à la pratique moderne, et il arrive à cette conclusion, que tous les vœux illicites faits contre le droit et la raison sont nuls devant Dieu et ne lient personne. Ces liens humains sont les filets du diable, et les rompre c’est être agréable à Dieu, c’est profiter de la sainte liberté du Christ. On voit que Calvin adressait une sorte de proclamation à tous les moines de la chrétienté pour les engager à abandonner le cloître et à dépouiller le froc.

  1. « Praeterea annon hoc dignum insectatione vitium est, quod non intellectas ceremonias velut histrionicam scenam aut magicam incantationem, ostentant. » (Inst., lib. IV, cap. X, § 15)