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DU CALVINISME.

ruine. Il y a eu pour cette race une corruption, une malignité héréditaire, et la mort est venue sur tous les hommes ; suivant la parole de l’apôtre, parce que tous ont péché. L’humanité doit donc imputer sa ruine à la dépravation de la nature, et non pas à la nature même, car autrement elle accuserait Dieu, et néanmoins elle doit reconnaître qu’elle est naturellement corrompue, puisque la corruption nous enveloppe dès notre naissance comme par droit d’héritage. La tyrannie du péché, depuis qu’elle a asservi Adam, a étendu son joug sur tous les hommes. Calvin, s’autorisant de saint Augustin, établit que l’homme, pour avoir abusé de son libre arbitre, en a été dépouillé, qu’il n’est plus libre à parler proprement. La volonté de l’homme est esclave de ses convoitises ; elle a été vaincue par le vice. L’homme est tellement captif sous le joug du péché, qu’il ne peut de soi-même ni désirer le bien, ni s’y appliquer. L’homme pèche donc nécessairement, et toutefois il ne laisse pas de pécher volontairement. Il faut lire dans l’Institution chrétienne les développemens auxquels Calvin se livre pour établir deux points qui semblent contradictoires : la fatalité qui pèse sur le genre humain, et le crime individuel de l’homme quand il commet le péché. Nous sommes voués nécessairement au mal, et cependant, quand nous y tombons, nous nous trouvons coupables. La nécessité n’est pas la contrainte, dit Calvin. C’est armé de cette distinction qu’il accable l’homme de tous côtés ; il le condamne parce qu’il est l’esclave du mal, il le condamne encore parce qu’il fait le mal avec volonté.

Le théologien a bien des raisons pour accumuler ainsi sur la tête de l’homme tant d’inexplicables malheurs. Il s’agit, en effet, de motiver la venue de Jésus-Christ, et de la rendre tellement indispensable à ce misérable genre humain, qu’il se prosterne avec transport devant le Sauveur qui lui sera envoyé d’en haut. Calvin réussit admirablement à faire sentir la nécessité de cette intervention divine.

Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus
Inciderit
.

Lorsque, dans l’Institution chrétienne, Jésus-Christ paraît, on respire, on comprend que l’humanité sera sauvée et qu’elle ne pouvait l’être que par lui. Depuis la chute d’Adam, la connaissance que l’homme a naturellement de Dieu ne lui servait plus à rien ; il fallait un médiateur. Moïse le prépare, les prophètes l’annoncent, et la loi, suivant la parole de saint Paul, a servi d’institution aux Juifs pour les