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DU CALVINISME.

on trouverait dans l’Apologétique plus d’élan d’imagination, dans la Préface une logique plus sévère ; d’ailleurs, le chrétien du IIIe siècle a devant lui à parcourir une carrière plus vaste que le réformé du XVIe ; il a tout le polythéisme à remuer et à convaincre. La tâche de Calvin est plus restreinte, mais peut-être non moins difficile ; il parle au nom de la réforme, qui avait le caractère odieux d’une guerre civile suscitée au sein du christianisme. Charles-Quint et François Ier n’ont-ils pas été plus durs envers les protestans que Trajan et Marc-Aurèle envers les nazaréens ?

Pénétrons maintenant dans le monument même élevé par Calvin. Bossuet a emprunté au premier chapitre de l’Institution chrétienne l’idée et le titre de son traité De la Connaissance de Dieu et de soi-même. C’est en effet par cette double pensée que Calvin ouvre son livre. La vraie sagesse consiste, dit-il, en deux parties, la connaissance de Dieu et celle de nous-mêmes ; et ces deux connaissances sont si étroitement unies, qu’on ne saurait dire laquelle des deux marche la première et quelle est celle qui engendre l’autre. Qui peut se considérer soi-même sans tourner aussitôt sa vue du côté de Dieu ? Qui n’est invité à chercher Dieu par la conscience de sa misère et de sa corruption ? Enfin comment l’homme parviendra-t-il à la connaissance de soi-même, s’il ne monte jusqu’à Dieu, et s’il n’en descend ensuite pour se contempler lui-même sérieusement ? C’est ainsi que Calvin, après avoir posé le double objet de la philosophie et de la théologie, absorbe sur-le-champ la première dans la seconde, et entre à pleines voiles dans le dogmatisme religieux.

La connaissance de Dieu est naturelle aux hommes, mais elle est étouffée ou corrompue soit par leur ignorance, soit par leur malice. Saint Paul a dit expressément que ce qui pouvait se connaître de Dieu a été manifesté aux hommes. Le ciel, la terre, la structure du corps de l’homme, enseignent la puissance et la sagesse de leur auteur. Dieu éclate encore par la manière dont il gouverne le genre humain. Cependant il a été méconnu dans sa vérité, dans son unité. Les sociétés antiques se sont fait de la Divinité des images multiples, et les philosophes s’en sont formé les idées les plus contradictoires. Il a donc fallu qu’au milieu de ces passions et de ces erreurs Dieu intervînt lui-même, et qu’aux œuvres de la création il ajoutât la lumière de sa parole.

C’est ainsi que Calvin établit la nécessité de la révélation. Adam, Noé, les autres patriarches ont été les premiers éclairés de cette révélation particulière par le moyen d’oracles et de visions cé-