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DU CALVINISME.

tenant les choses, il ne se sent pas un fort grand déplaisir d’être privé de sa patrie. S’il écrit au roi, c’est pour défendre la cause commune de tous les fidèles, la cause de Jésus-Christ lui-même.

Bientôt, sous la plume de Calvin, l’apologie des réformés devient une attaque véhémente contre les catholiques. Il ne se défend plus, il attaque. « Considérez, sire, dit-il à François Ier, toutes les parties de notre cause, et nous jugez être les plus pervers des pervers, si vous ne trouvez manifestement que nous sommes oppressés et recevons injures et opprobres, pourtant que nous mettons notre espérance en Dieu vivant, pourtant que nous croyons que c’est la vie éternelle de cognoître un seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ. À cause de cette espérance, aucuns de nous sont détenus en prison, les autres fouettés, les autres menés à faire amendes honorables, les autres bannis, les autres cruellement affligés, les autres échappent par fuite : tous sommes en tribulation, tenus pour maudits et exécrables, injuriez et traitez inhumainement. Contemplez d’autre part nos adversaires (je parle de l’état des prestres, à l’aveu et appétit desquels tous les autres nous contrarient), et regardez un peu avec moi de quelle affection ils sont menez. Ils se permettent aisément à eux et aux autres d’ignorer, négliger et mépriser la vraie religion qui nous est enseignée par l’Escriture, et qui devoit être résolue et arrêtée entre tous, et pensent qu’il n’y a pas grand intérest quelle foi chacun tient ou ne tient pas de Dieu et de Christ mais que par foy (comme ils disent) enveloppée, il submette son sens au jugement de l’église, et ne se soucient pas beaucoup s’il advient que la gloire de Dieu soit polluée par blasphèmes tous évidens, moyennant que personne ne sonne mot contre l’authorité de notre mère saincte église : c’est-à-dire, selon leur intention, du siége romain. Pourquoi combattent-ils d’une telle rigueur et rudesse pour la messe, le purgatoire, le pèlerinage et tels fatras ? tellement qu’ils nient la vraye piété pouvoir consister, si toutes ces choses ne sont crues et tenues par foy très explicite, combien qu’ils n’en prouvent rien par la parole de Dieu. Pourquoi, dis-je, sinon pourtant que leur ventre leur est pour Dieu, la cuisine pour religion ? Lesquels ostez, non-seulement ils ne pensent pas qu’ils puissent être chrestiens, mais ne pensent plus être hommes. Car combien que les uns se traistent délicatement en abondance, les autres vivotent en rongeant des croustes, toutes fois ils vivent tous d’un pot : le quel sans telles aides non-seulement se refroidiroit, mais geleroit du tout. Pourtant celui d’eux qui se soucie le plus de son ventre est le meilleur zélateur de