Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.


SITUATION DU LIBAN.

Le mont Liban occupe en ce moment l’attention des gouvernemens européens. Cette montagne célèbre, que les alliés de 1840 avaient soulevée au nom de la religion et de l’indépendance, et qu’ils devaient rendre à la paix et à la sécurité de l’âge d’or, est aujourd’hui en feu sur tous les points. La Porte, qui ne peut y régner que par la division, y fomente et y entretient des guerres civiles impitoyables, et les malheureux chrétiens de la Syrie, pillés, décimés et exterminés, appellent à grands cris le secours de leurs frères d’Europe. La diplomatie s’est émue et a protesté : elle est en ce moment aux prises, à Constantinople, avec le fanatisme inepte du divan ; mais il paraît que le sultan s’est pris au sérieux. Ce souverain chétif, dont les cinq puissances forment les cinq sens, manifeste la prétention de marcher sans lisière, et la sublime Porte, qui n’a pas dédaigné le secours des infidèles pour réduire un sujet trop puissant, se donne le ridicule de parler maintenant de son indépendance et de réclamer les bénéfices du principe de non-intervention.

Le fait principal qui a motivé l’intervention actuelle de la diplomatie européenne dans l’administration de l’empire ottoman est la nomination d’un pacha turc pour gouverner le Liban. Les populations de la montagne ont eu de tout temps le privilége de n’avoir pour gouverneurs ou émirs que des princes pris dans leur sein, et la nomination d’un pacha turc est une violation des droits dont les puissances européennes leur ont garanti la possession. Les Maronites et les Druses, qui composent principalement la population du Liban, ont joué un assez grand rôle dans les dernières révolutions du Levant pour qu’un coup d’œil rapide sur leur histoire, leurs religions, et leurs mœurs, présente quelque intérêt.

Une grande chaîne de montagnes traverse une partie de la Syrie du nord au sud sous le nom de Liban ; elle se divise en deux branches, séparées par une large et fertile vallée. La chaîne à l’ouest conserve la dénomination de Liban ; celle de l’est prend, par opposition, le nom d’Anti-Liban. Les deux principaux peuples qui habitent la montagne sont les Maronites et les Druses.

Les Maronites occupent les vallées les plus centrales et les chaînes les plus élevées du groupe principal du mont Liban, depuis les environs de Beyrouth jusqu’à Tripoli de Syrie. L’origine de ce peuple et son établissement dans la montagne remontent aux premiers siècles de l’ère chrétienne.

Sur la fin du VIe siècle de l’église, dit Volney, lorsque l’esprit érémitique était dans toute sa ferveur, vivait sur les bords de l’Oronte un saint solitaire appelé Maroûn, qui, par ses jeûnes et ses austérités, s’attira la vénération du peuple d’alentour. Il paraît que, dans les querelles qui régnaient déjà