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ACADÉMIE FRANÇAISE.

Comme bien d’autres institutions qui vivront long-temps encore, l’Académie a moins vieilli que les épigrammes qu’on a dirigées contre elle. Le secret de sa jeunesse est dans l’habileté avec laquelle elle a su deviner presque toujours les instincts des temps qu’elle a traversés. Ce fut Perrault qui le premier imagina de la mettre en contact avec le public par la solennité des réceptions. Si la haine de Perrault pour Homère lui interdisait le sentiment de la grandeur antique, elle ne l’empêchait pas d’avoir une intelligence assez vive et un amour assez élevé de la splendeur moderne. Un des plus beaux côtés du XVIIe siècle, c’est certainement le côté de ses fêtes. Le génie de Molière lui-même semble avoir pris plaisir aux divertissemens du parc de Versailles. C’était le temps des spectacles et des machines. L’Opéra, qui venait de rendre aux dieux de l’Olympe une nature de carton, inspirait aux esprits une admiration profonde. Depuis le monarque jusqu’au dernier des courtisans, tout le monde aimait à paraître. Perrault voulut que la littérature eût ses galas comme la royauté, et il conseilla à l’Académie l’usage des réceptions publiques. On sait dans quel esprit d’apparat furent conçues ces premières solennités. Le discours n’occupait qu’une place fort secondaire. Quelques grains d’encens brûlés devant l’image de Richelieu par des écrivains dont il aurait comprimé le génie, ou des grands seigneurs dont il eût menacé les têtes, voilà ce que chacune de ces cérémonies nous offre invariablement pendant une longue suite d’années. Au XVIIIe siècle, l’Académie prit une vie nouvelle. La chaire, que la véritable éloquence avait abandonnée, ne faisait plus entendre les vérités éternelles du christianisme : on vint demander des enseignemens à la tribune littéraire. Les correspondances de Grimm nous ont conservé nombre de discours académiques où tous les points de la philosophie dont on se préoccupait alors sont pompeusement traités. Il y eut une époque où la France fut remplie d’hôtes illustres ; à l’approche des grandes commotions révolutionnaires dont les symptômes devenaient plus évidens de jour en jour, les étrangers se pressaient à Paris, comme maintenant encore on se presse à Naples dès qu’on aperçoit dans le lointain la fumée sur le sommet du Vésuve. Eh bien ! les princes du Nord, les philosophes anglais, les patriarches américains, tous les personnages qui visitaient notre pays, se rendaient aux séances académiques. On sentait qu’il y avait là des sources réelles de curiosité et d’intérêt. L’Académie représentait la littérature, et il n’est pas besoin de rappeler ce qu’était la littérature au XVIIIe siècle. Quand l’œuvre de Louis XIV s’écroula, l’institution de Richelieu disparut un instant avec toutes les autres. Mirabeau fit comprendre une autre éloquence que celle de Montesquieu, comme Montesquieu avait fait comprendre une autre éloquence que celle de Bossuet, et cette éloquence nouvelle fut bientôt étouffée elle-même par les deux grandes voix