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PUITS ARTÉSIENS.

forage atteint une grande profondeur. La masse de la tige peut en effet devenir si considérable, que son propre poids la déforme à chaque, coup, la brise même, et qu’elle fouette, en se pliant, contre les parois du trou, qu’elle dégrade bientôt. Pareils accidens sont produits par le contre-coup qui suit le choc et qui tend à faire rebondir toute la sonde, comme la baguette que l’on fait jouer dans un fusil non chargé. Voilà pourquoi nos sondeurs de Grenelle n’ont pu continuer long-temps leur sondage par la percussion.

Nos voisins du duché de Luxembourg ont imaginé, il y a tantôt cinq ans, un système qui tient le milieu entre celui dont nous venons de parler et le système à la corde. Ils ont remplacé la plus grande partie de la tige en fer par un assemblage de tiges en bois beaucoup plus légères et plus maniables. À cette amélioration ils en ont joint une autre dont le mérite a été vanté à l’Institut, et qui évite les effets du contre-coup du mouton, dont le poids est nécessairement considérable. Au lieu de fixer invariablement ce mouton au reste de la tige, comme on l’avait fait jusqu’alors, ils le suspendent seulement, et, adaptant une sorte de coulisse sur cette tige, ils permettent au mouton, chaque fois qu’il rebondit par le contre-coup, de glisser dans cette coulisse, sans soulever la tige elle-même. De cette façon, la masse principale de la tige reste à peu près immobile à chaque choc.

C’est à Cessingen, dans le duché de Luxembourg, que ces deux améliorations ont été pratiquées pour la première fois. Elles ont permis de creuser, en neuf cents jours seulement, un puits de saline à la profondeur de 575 mètres, c’est-à-dire 27 mètres plus bas que le fond du puits de Grenelle. Si ceux de nos compatriotes qui ont dirigé ce dernier forage avaient suivi un tel exemple, ils auraient grandement abrégé et simplifié leur travail ; mais ils eussent bien mieux fait encore en battant à la corde, moyen cent fois préférable à l’emploi des tiges en bois.

Outre le mode de creusement que nous venons de décrire, il y a aussi le forage, qu’on emploie plus fréquemment en Europe, et qui seul a été pratiqué dans le travail fait à l’abattoir de Grenelle. Ce forage consiste, le mot l’indique, à appuyer fortement des outils de formes diverses, mais différens du mouton, contre le fond du puits et à les faire tourner en même temps sur eux-mêmes. La corde ne pouvant, vu sa flexibilité, transmettre à l’outil le mouvement de rotation, et le presser contre le fond, il faut la remplacer par un manche rigide plus long que le puits lui-même, portant à son extrémité inférieure l’instrument de forage et venant saillir hors du puits.