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PUITS ARTÉSIENS.

s’élève, il prend le triangle et lui fait faire un demi-tour, afin que l’éperon tombe dans un sens contraire. Quand ils ont creusé 3 pouces, on tire cet éperon avec toutes les matières dont il est surchargé (car j’ai dit qu’il était concave par-dessus), par le moyen d’un grand cylindre qui sert à rouler la corde. De cette façon, ces petits puits ou tubes sont très perpendiculaires et polis comme une glace. Quelquefois tout n’est pas roche jusqu’à la fin, mais il se rencontre des lits de terre, de charbon, etc. ; alors l’opération devient des plus difficiles et quelquefois infructueuse, car, les matières n’offrant pas une résistance égale, il arrive que le puits perd sa perpendiculaire[1], mais ces cas sont rares. Quelquefois le gros anneau de fer qui suspend le mouton vient à casser, alors il faut cinq ou six mois pour pouvoir, avec d’autres moutons, broyer le premier et le réduire en bouillie. Quand la roche est assez bonne, on avance jusqu’à deux pieds dans les vingt-quatre heures. »

On le voit, le sondeur chinois ne sait opérer à coup sûr que dans un terrain de roches bien homogènes. Dès qu’il rencontre une de ces couches de sable, d’argile, de houille, que nos sondeurs d’Europe ont tous les jours à forer, il ne sait plus guider son outil et lui conserver sa direction perpendiculaire. Le trou de sonde dévie bientôt ; le poids de l’outil est impuissant à le faire descendre ; il y a même danger de ne plus pouvoir le retirer de la fausse position dans laquelle il s’est engagé. Le forage est arrêté.

La série des terrains que traversent les puits d’Europe présentant presque partout des variations brusques de densité, des corps durs, au milieu de couches plus tendres, par exemple des cailloux dans les bancs de craie, on comprend que les premiers essais d’imitation du procédé chinois n’aient pas été fort heureux. Aussi, la plupart des ingénieurs le repoussent-ils, ou ne l’emploient-ils qu’exceptionnellement. Un sondage de ce genre a été commencé, il y a quelques années, à Paris, dans les terrains de l’ancienne École militaire, et le non-succès de cette opération, que nous allons expliquer, n’a fait qu’accroître les préventions qui existaient déjà contre le procédé. L’ingénieur civil qui avait entrepris ce travail avait négligé la précaution sans laquelle le sondage à la corde ne saurait être sûrement pratiqué dans nos terrains hétérogènes. Il opérait comme le paysan chinois, sans donner à son outil un guide vertical bien fixe ; aussi, après être descendu avec un bonheur infini jusqu’à 200 mètres, son

  1. En d’autres termes, la direction du forage n’est plus celle du fil à plomb.