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PUITS ARTÉSIENS.

« Le premier citoyen venu, dit Ramazzini, a-t-il besoin d’eau pour son usage particulier, il fait venir, non pas une brigade d’ouvriers, mais simplement un fontainier, et, pour quarante francs, dans quelque endroit de la ville que ce soit, il se fait forer un puits qui lui donne l’eau la plus pure et la plus saine, qui jaillit lorsqu’on est arrivé à peu près à 63 pieds de profondeur. La seule difficulté que les ouvriers rencontrent est l’écoulement des eaux qui suintent des parois du puits, et qui les inondent quelquefois dans leur travail jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à 28 pieds, là où l’argile commence à se montrer. Ils remédient à cet inconvénient en élevant des murs enduits de chaux qui vont en s’évasant jusqu’à fleur de terre ; l’eau qui sort de ces puits est d’abord chargée de sable, et ce n’est que le lendemain qu’elle s’éclaircit. » Ramazzini ajoute, sur la foi des fontainiers, que « ces puits jetaient parfois tant de sable, que le sol s’affaissait à l’entour, que les édifices croulaient, et qu’il fallait combler les ouvertures faites au sol. Les eaux fournies par ces jets, dit encore Ramazzini, sont si abondantes, que, réunies en un canal qui se jette dans la Scultenna, elles peuvent porter des bateaux. » Il remarque aussi que « lorsqu’un puits est foré trop près d’un autre, on voit l’eau baisser dans ce dernier, puis remonter, et osciller ainsi jusqu’à ce que le niveau demeure parfaitement le même dans les deux puits. »

Shaw raconte, dans ses voyages, qu’il a entendu dire à des habitans du Wad-Reag, amas de villages situés dans le désert de Sahara, que ce pays n’était alimenté d’eau que par des puits forés que je puis comparer à ceux de Modène. De semblables puits existent dans des oasis ; Olympiodore, qui vivait vers le milieu du VIe siècle, en fait mention. Enfin, nous en trouvons dans certaines contrées de l’Asie, et la tradition locale les fait remonter aux temps les plus éloignés.

Les Chinois, ce peuple exceptionnel qui, malgré l’état d’ignorance dans lequel il végète depuis longues années, pourrait, en matière d’industrie, apprendre tant de choses aux Européens, les Chinois ont, de tout temps, admirablement pratiqué ces sondages. Ici, encore nous retrouvons le perpétuel contraste qu’offrent tous les arts, toutes les œuvres de cette singulière nation. Vous ne verrez dans aucun autre pays des puits aussi profonds, aussi nombreux, des puits qui soient aussi vite, aussi simplement creusés. Notre puits le plus profond, celui de Grenelle, ne descend qu’à un demi-quart de lieue. Nos voisins du duché de Luxembourg ont été un peu plus loin ; mais