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face du sol ; supposons enfin que le lieu où vient apparaître au jour, en se redressant, la couche de sable, soit plus élevé que celui où le sondeur a percé l’orifice de son puits : on comprend bien vite que les eaux de pluie qui tomberont sur ce sable suivront en descendant la couche de même substance, et que lorsqu’elles atteindront l’extrémité inférieure du puits foré, elles s’y élèveront pour atteindre le niveau de leur point de départ. Mais ce point de départ est, nous l’avons admis, plus élevé que l’orifice du puits ; donc les eaux jailliront. La source artésienne créée par le sondeur coulera, on le voit, par les mêmes causes qui font couler tant de sources naturelles ; comme elles, cette fontaine pourra baisser ou même tarir quand les pluies ne seront ni assez fréquentes, ni assez abondantes.

La comparaison que je viens d’établir entre les jets artésiens et les sources dit assez que ces jets ne sont pas alimentés par les pluies seules. Quelle est, en effet, l’origine de la plupart des sources naturelles ? L’humidité absorbée par les forêts, par les montagnes, par le sol des plaines elles-mêmes, non-seulement pendant la nuit, mais encore pendant le jour, alors que les nuages, que les brouillards descendent jusqu’à ce sol, sans qu’il y ait pour cela formation de la pluie. À ces causes s’ajoute, en certains lieux, une cause plus puissante encore : c’est la présence des masses de glace et de neige qui enveloppent constamment les monts les plus élevés. Si donc la couche poreuse que je supposais atteinte par la sonde s’étend, en se relevant, jusqu’à ces forêts, ou même jusqu’à ces montagnes couvertes de neige et de glace, la fontaine artésienne pourra couler avec tout autant de constance et de régularité que les sources naturelles.

L’origine des puits de cette espèce se perd dans la nuit des temps. L’Asie et l’Afrique les ont connus bien avant l’Europe, et bien des auteurs n’ont voulu voir qu’une sonde dans la baguette avec laquelle Moïse frappa le rocher pour en faire jaillir une source au milieu du désert.

Le plus ancien forage artésien fait en France remonte à l’année 1126 ; il existe encore à Lillers, en Artois, dans un ancien couvent de chartreux. L’Italie a pratiqué ce système de très bonne heure. Bernardin Ramazzini nous apprend, dans une dissertation sur les puits artésiens qui date de la seconde moitié du XVIIe siècle, que des puits à peu près semblables aux forages artésiens se sont faits à Modène depuis les époques les plus reculées. On va voir que ces puits sont des forages à petit diamètre, pratiqués, au fond d’un puits ordinaire, dans une roche qui s’étend sous toute l’étendue la ville de Modène.