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ESSAIS DE PHILOSOPHIE.

lui, le pouvoir prenait ombrage de ses progrès. La petite phalange n’en était que plus ardente et plus aguerrie ; les dissidences s’effaçaient dans le péril, tous les efforts étaient réunis contre l’ennemi commun. Il n’y avait place ni pour le dégoût, ni pour la tiédeur. La persécution donne du courage aux faibles et fait vivre une mauvaise cause ; mais, quand on a pour soi le courage, le talent et la vérité, on est maître de l’avenir.

Il est triste de le dire, des prêtres catholiques comptaient parmi les meneurs du parti réactionnaire contre lequel M. de Rémusat et ses amis défendaient nos libertés. Infidèles à l’esprit de charité qui doit honorer leur ministère, ils poursuivaient la philosophie avec une haine aveugle, et, dans leur soif de vengeance, la calomnie ne leur coûtait pas, la calomnie autorisée de leur sacré caractère et versée du haut de la chaire chrétienne parmi le peuple ignorant et crédule. On imputait chaque jour aux philosophes les conséquences les plus opposées à leurs principes, des doctrines qu’ils avaient réfutées et vaincues ; il suffisait qu’une opinion fût immorale et impie, on n’avait pas besoin d’autres preuves pour en salir une école. Entraîné par un ressentiment que l’ineptie et la violence des attaques expliquaient sans le justifier, le Globe poussa trop loin les représailles, et ne distingua pas assez la religion de ses ministres. Le célèbre article de M. Jouffroy, Comment les Dogmes finissent, parut le 24 mai 1825. Le Globe prophétisait les prochaines funérailles d’un grand culte. À l’entendre, cette ferveur de catholicisme qu’on faisait paraître n’était qu’une mode ou un calcul. L’orthodoxie était devenue une bienséance ; la foi était convenable, et rien de plus ; on avait repris la dévotion. M. Dubois avertissait avec fermeté les fougueux prédicateurs de cette croisade contre la philosophie, que la chaire de Whitehall avait fait autant de mal aux Stuarts que les diatribes des puritains ; et M. de Rémusat démontrait victorieusement à M. de Lamennais qu’on ne peut attaquer la raison sans ébranler la foi, et que ruiner toutes les sources de la certitude, en haine de la philosophie, c’est, dans une guerre civile, jeter du poison dans les fontaines.

Pendant que le Globe prenait cette position intermédiaire entre les sensualistes et les catholiques intolérans, entre les libéraux et les hommes de réaction, le reproche, si souvent adressé depuis à la philosophie éclectique, d’être une philosophie négative et critique, et de ne pouvoir rien fonder, ne fut pas épargné au journal qui la représentait. Ce fut le Producteur qui commença cette guerre intes-