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ESSAIS
DE PHILOSOPHIE
PAR M. CHARLES DE RÉMUSAT.[1]

Un préjugé, né de la révolution, et qui, chassé de tous les bons esprits, trouve encore des défenseurs parmi ceux qui exagèrent le principe de Caton et l’amour des causes vaincues, c’est que la philosophie sensualiste, la philosophie de Bacon et de Locke, est notre philosophie nationale. Parce que le sensualisme a porté les derniers coups à l’ordre social qui a péri en 93, on lui attribue tout l’honneur de la victoire, sans songer que, le lendemain de la bataille, ce grand triomphateur s’est trouvé au nombre des morts. Philosophie sans postérité, elle a paru à point nommé quand il ne fallait que détruire, et, comme son principe l’y condamnait à l’avance, elle s’est détruite elle-même avec tout le reste. La France ignorait-elle la liberté, quand Voltaire et les encyclopédistes se sont faits les précepteurs de l’esprit public ? Deux siècles avant la révolution, Descartes avait proclamé ce premier principe de toute philosophie comme de toute révo-

  1. Deux vol. in-8o; Paris, chez Lagrange.