langue d’oil. À mes pieds, l’archipel semblait former un demi-cercle et se développait avec ses chenals que traversait de temps à autre quelque canot à la voile carrée, ses trois cents rochers et ses îlots aux formes bizarres, aux côtes creusées d’anses profondes ou hérissées de promontoires escarpés.
La Grande-Île, que j’allais habiter, a près d’un quart de lieue de long, mais sa largeur est loin d’être aussi considérable, et sa surface égale à peine celle du Jardin-des-Plantes. À l’est, elle descend en pente douce jusqu’au Sound, dont le chenal étroit et profond n’assèche jamais, et offre en tout temps un mouillage parfaitement sûr. Au nord s’élève Gros-Mont, qui me servait en ce moment d’observatoire. Au sud, elle se termine par un cap élevé, appelé la Pointe-Marie. La côte de l’ouest est formée par une suite de collines, dont l’une, nommée Mont-de-Bretagne, porte les ruines d’un ancien fort, et domine la belle grève du Port-Homard. Sur le versant intérieur de ces montagnes en miniature se trouvent quelques champs cultivés et deux prairies qui s’étendent jusqu’à la ferme.
Le reste de l’île est inculte et couvert de ce gazon fin et serré qui croît sur les hautes montagnes. Les graminées dominent dans sa composition ; mais on y trouve aussi quelques jolies plantes bulbeuses aux fleurs violettes, et un grand nombre de papilionacées aux corolles d’un jaune d’or. Le serpolet y forme de larges plaques d’un vert foncé qu’émaillent ses petites touffes de fleurs purpurines. Çà et là un rosier à tige traçante laisse sortir de terre ses jets d’un à deux pouces, portant une fleur d’un rose tendre ou une baie rouge semblable à une perle du plus beau corail. À côté des rochers, qui partout percent la mince couche de terre végétale, se montrent d’épais buissons de ronces, et, dans les haies des bas-fonds, on trouve en abondance la menthe poivrée, la bourrache et le senevé. Enfin, sur la partie du Mont-de-Bretagne qui servait jadis de cimetière, on a planté des ajoncs qui ont parfaitement réussi, et fournissent le bois nécessaire au chauffage du four. Au nord-ouest de la Grande-Île, on voit une suite d’îlots moins considérables, assez étendus cependant pour que leur plateau présente quelque végétation. Ce sont la Genetaie, la Houssaie, la Meule et l’Île-aux-Oiseaux. Au nord et à l’est, on trouve l’Enseigne, Plate-Île, les Deux-Romonts, Longue-Île. Ici la pelouse en velours dont nous parlions tout à l’heure est remplacée par une herbe haute et mêlée qu’on récolte tous les ans.
Pendant les guerres de la révolution, Chausey, trop exposé aux