resterait irrémissiblement chargé de tous ses péchés de tribune, comme quoi la chambre des pairs se trouvait réduite à la portion congrue, et ne pourrait parler à l’avenir plus qu’elle n’a parlé en l’an de grace 1840, c’est-à-dire qu’on aurait une parole de pair pour deux paroles de député ; comme quoi, vu la dureté des temps et des murs, cette précieuse denrée, le bulletin Golbéry, serait donnée au rabais à ces méchans journalistes qui osent bien, dans leurs comptes-rendus, préférer les discours de leurs amis aux discours de leurs adversaires, et qui n’ont pas voulu trouver le secret de faire entrer dans deux pages in-4o les dix pages in-folio du Moniteur. Toutes ces belles choses et tant d’autres, la chambre a voulu les entendre exposer, expliquer, défendre, au point de vue des principes, au point de vue de l’exécution, sous le rapport financier, sous le rapport politique, et cela pendant deux grandes heures, sans l’ombre de fatigue, d’ennui, au contraire avec satisfaction et gaieté ; après quoi, de l’avis unanime de la gauche, de la droite et des centres, par l’organe de M. de Beaumont et de M. de Salvandy, la chambre a dit à la commission : — C’est bien, très bien ; nous en parlerons quand je n’existerai plus. — Hélas ! qui l’aurait dit, si près du port ? Sic transit gloria mundi.
La chambre sera dissoute les premiers jours de juin. Les élections se feront dans la première quinzaine de juillet. Tout ce qu’on demande encore sérieusement à la chambre, c’est la loi des chemins de fer et le budget. Nous aurons le budget, aurons-nous les chemins de fer ?
Les intérêts particuliers s’agitent de plus en plus ; ils assiègent, ils harcèlent les ministres, les commissaires de la chambre, les députés ; si le cabinet et la chambre n’y prennent garde, nous pourrons bien avoir sur une grande dimension le pendant de la folie de Versailles. Cela serait aussi ridicule que déplorable. Singulière prétention que de vouloir réparer aux dépens de l’intérêt général les erreurs qu’on a commises et les pertes qu’on a éprouvées ! Tant pis pour ceux que la cupidité a aveuglés. Imputent sibi.
Nous verrons si le gouvernement maintiendra hautement son droit, s’il sentira sa force et osera s’en servir. S’il fait bon marché de son initiative, s’il la livre aux intérêts particuliers, rien ne se fera, ou il ne se fera que des choses désastreuses. Non ; si des projets trop étranges viennent se croiser, la chambre finira par tout rejeter, et si, ce que nous ne pensons pas, quelque mesure imprudente pouvait lui être arrachée, le projet irait expirer dans la chambre des pairs.
« Les chemins de fer sont, comme presque tout le reste, une question de centralisation. Ira-t-on au nord ou au midi, à l’est ou à l’ouest ? Prendra-t-on à droite ou à gauche ? Fera-t-on les chemins de fer par masses, par fractions, par embranchemens ? Y aura-t-il des lignes militaires, des lignes de circulation, des lignes de commerce ? Chaque intérêt parlementaire ou extraparlementaire s’agite, se démène, se rue, ardent à sa proie. Mais l’intérêt de l’état, messieurs, l’intérêt de l’état ! » Nous empruntons ces paroles à l’écrit si remarquable de M. de Cormenin sur la centralisation, à cet écrit qui servait d’introduction au droit administratif, et que Timon vient de faire réim-