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REVUE. — CHRONIQUE.

nant chercher à la Chine. Ceux qui voudront se former en peu de temps et à peu de frais une juste idée des établissemens hollandais dans les eaux de l’Indo-Chine, ne pourront mieux faire que de lire la brochure de M. Maurice d’Argout, ayant pour titre : Java, Singapour et Manille. Substantiel et lucide, ce petit écrit renferme tous les faits les plus utiles à connaître, et laisse entrevoir des points de vue de la plus haute importance, et sous le rapport commercial et sous le rapport politique. La possession de Java par la Hollande et la rivalité que, par la force même des choses, cette magnifique possession peut un jour susciter entre la Néerlande et l’Angleterre, n’est pas un fait indigne d’attention pour la politique française.

Le roi de Sardaigne, à l’occasion du mariage du prince royal avec une princesse autrichienne, accorde une pleine amnistie aux émigrés politiques. Il est vrai que le gouvernement sarde n’avait pas attendu ce moment pour accorder un assez grand nombre de graces ou amnisties particulières. Il ne faut pas moins le féliciter d’avoir enfin pris une mesure générale et définitive. Il était triste de voir qu’en Italie les gouvernemens italiens non-seulement se laissaient devancer par un gouvernement étranger, par l’Autriche, dans les voies de la clémence, de la modération et de l’oubli, mais qu’ils ne s’empressaient pas même d’en suivre l’exemple. Il en avaient imité et dépassé les sévérités ; ils ne voulaient ou n’osaient en imiter l’indulgence. Cela n’était ni digne ni habile. Ils servaient les intérêts de l’Autriche en ne la suivant pas dans les voies de la clémence, plus encore qu’ils ne les avaient servis par une dure répression.

La chambre des députés était ces jours-ci en belle humeur ; aussi a-t-elle pris la proposition Golbéry pour sujet d’une plaisanterie parlementaire. Il était en effet difficile de la prendre au sérieux. Le moyen d’imaginer sans rire que l’état dépenserait un million pour envoyer à nos trente-sept mille maires je ne sais quel bulletin que personne n’aurait lu, et qui n’aurait été bon à lire pour personne. Concevez-vous en effet tous les Français sachant lire tant bien que mal, occupés tous les jours, pendant six mois de l’année, à déchiffrer, sous le toit de la maison commune, tous les discours de MM. les pairs et de MM. les députés, même ces longs discours écrits que personne n’a écoutés, que personne n’a lus, parce que souvent les orateurs ont eu l’heureuse idée de n’en lire que l’introduction et la fin. La vie humaine est si courte ! C’est bien assez pour ces discours qu’une sépulture honorable dans les colonnes du Moniteur, c’est bien assez que le député puisse écrire à ses électeurs : J’ai fait mon discours ; voyez plutôt le Moniteur d’aujourd’hui. Et si par aventure le mot sensation se trouvait à la fin du manuscrit, le compilateur officiel n’est pas un cerbère impitoyable, qui veuille effacer cette prévision ingénieuse, quoique non accomplie.

Quoi qu’il en soit, la chambre, profitant de ses loisirs, a voulu que le rapporteur de la commission lui donnât lecture pleine et entière du rapport ; elle ne lui a pas fait grace d’une ligne ; elle a voulu qu’on lui explique comme quoi l’orateur qui n’aurait pas achevé ses corrections à onze heures du soir