Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/350

Cette page a été validée par deux contributeurs.
344
REVUE DES DEUX MONDES.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

patrie à tant de luttes politiques ; qu’ils se refusent à des tentatives d’une réussite incertaine et qui exigent de grandes avances, cela se conçoit. Pourquoi demanderaient-ils au privilége colonial, à un privilége qui ne peut s’établir et se maintenir sans dépenses, sans efforts, sans dangers, des marchés, des débouchés que la liberté commerciale pourrait ouvrir sans peine sur toute la surface du globe ?

Mais que penser de ceux qui repoussent avec horreur ou avec dédain, c’est-à-dire par intérêt ou par ignorance, toute liberté commerciale, et qui en même temps sont froids, insoucians à l’endroit des colonies, souvent même hostiles, non-seulement à tout accroissement, mais à la conservation de nos possessions coloniales ? On est forcé de le dire, ils ne comprennent pas la question, ils méconnaissent leur propre situation. Ils ouvriront les yeux lorsqu’il sera trop tard, lorsque l’industrie, égarée dans les fausses voies où ces aveugles conseillers l’ont poussée, ne pourra ni revenir sur ses pas, ni trouver une issue. C’est là l’avenir vers lequel elle marche en France et ailleurs, et il est juste d’ajouter, dans certains pays plus rapidement encore que chez nous.

Cependant, soit habileté, soit simplement par d’heureuses combinaisons, la nécessité d’un vaste système colonial est aujourd’hui une vérité démontrée, pratiquée dans plus d’un pays. Parlerai-je de l’Angleterre ? Qui ne connaît ses efforts, ses projets, ses conquêtes dans toutes les parties du monde ? Au fond c’est là toute sa politique. Elle veut des débouchés, et encore des débouchés et toujours des débouchés. Les négociations et la guerre, les caresses et les mauvais procédés, les offres et les refus du gouvernement anglais n’ont, en réalité, qu’un but, le commerce du monde. Ainsi que le disait un homme d’esprit et fort versé en ces matières, les Anglais font servir leur politique à leur commerce ; nous, nous subordonnons notre commerce à notre politique, à notre politique extérieure comme à notre politique intérieure. Nos relations commerciales, nous les donnons souvent comme appoint dans nos négociations, au dedans et au dehors, avec des diplomates et avec des députés, peu importe.

La Belgique, depuis 1830, étouffe dans ses ateliers sans issue. La Néerlande n’étouffe pas ; elle respire à son aise dans ses magnifiques possessions coloniales. La Hollande n’est pas à La Haye ; elle est à Batavia. C’est là que le gouvernement hollandais trouve douze millions de sujets industrieux, actifs, pacifiques, et un revenu net de 100 millions de francs ; il en retirera très probablement 100 millions de florins sous peu d’années. Le gouvernement hollandais avait aussi fait fausse route d’abord ; il avait cru que la force, que la violence suffirait à tout. Heureusement pour lui, il ne lui a pas fallu de longues années pour reconnaître son erreur et revenir en arrière. Il a vite pris son parti, adopté les mesures à la fois les plus sages et les plus énergiques, abandonné la vieille routine pour des voies toutes nouvelles, et obtenu ainsi de magnifiques résultats. Sous peu d’années peut-être, la Hollande fournira à l’Europe une grande partie du thé que nous allons mainte-