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REVUE. — CHRONIQUE.

stances difficiles où elle se trouvait lorsque Pitt proposa l’income-taxe. Elle n’est pas engagée dans une guerre à mort ; elle n’a pas été frappée d’un désastre. — Il n’y a pas eu de revers, pas de désastres ! Et où trouverez-vous, dans tout le cours de notre histoire, un désastre comparable à celui qui vient de nous frapper dans l’Afghanistan ? Ce revers sera promptement réparé, je l’espère, par l’énergie de vos délibérations et par la bravoure de nos troupes ; mais dans quelle page de nos annales a-t-on lu rien de comparable au carnage que l’on vient de faire de l’une de nos armées ? — Le chancelier de l’échiquier avait déjà dit, en répondant à lord John Russel, que l’Angleterre se trouvait engagée avec la Chine dans une guerre dont personne ne peut dire d’avance quel sera le résultat, ni quelles en seront les dépenses. Sir Robert Peel s’est ensuite appliqué à démontrer que, dans les circonstances où se trouve l’Angleterre, la taxe sur le revenu, malgré les inconvéniens de cette nature d’impôts, était le moyen à la fois le plus facile, le plus sûr et le plus équitable de subvenir aux besoins du pays ; il n’a rien omis en même temps pour prouver que les ressources indiquées par les financiers de l’opposition étaient insuffisantes et illusoires. Chargé de défendre une position difficile et qui présentait à ses adversaires plus d’un côté faible, sir Robert Peel, en habile capitaine, ne s’est pas blotti derrière les murailles ; il a pris l’offensive, et, par des sorties vigoureuses, il a porté la guerre dans le camp de ses ennemis. Auront-ils le temps de se reconnaître, pourront-ils le repousser et faire tourner contre le ministère les chances du combat ? C’est ce que nous apprendrons demain peut-être. Mais, jusqu’ici, nous persistons à croire que la proposition du ministre obtiendra, même dans la chambre des communes, une de ces majorités qui, sans être brillantes, suffisent pour assurer la vie et la durée d’un cabinet.

Le bill des céréales a été définitivement adopté par la chambre des communes. Cette transaction, favorable aux propriétaires fonciers, ne peut rencontrer, dans la chambre des lords, d’autre opposition que celle de quelques ultra-conservateurs. On peut donc tenir pour certain que le bill sera adopté.

Au milieu de ces difficultés et de ces luttes, le ministère anglais ne perd pas de vue un seul instant le but le plus essentiel de sa politique, l’extension des relations commerciales de l’Angleterre, l’ouverture de nouveaux débouchés pour l’industrie nationale. Ces efforts sont naturels ; pourquoi reprocher à un gouvernement étranger de faire de son mieux dans l’intérêt de son pays ? Le reproche serait puéril et peu digne. Au lieu de reprocher aux autres leur habileté et leur activité, mieux vaudrait les imiter. Les plaintes n’ont jamais enrichi personne, et certes elles n’arrêteront pas l’étranger dans ses efforts et dans ses négociations.

Nos relations commerciales avec l’Espagne sont dans un état déplorable. La Belgique, la Suisse, l’Allemagne, la Sardaigne, l’Amérique du Sud, pourraient offrir à nos négociateurs un vaste champ à parcourir ; il ne serait nullement impossible de concilier les intérêts de ces pays avec un plus grand développement des intérêts français. Que faisons-nous ? Que fait le ministère ?