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d’un Gesenius, d’un Ewald, d’un Bohlen, ont porté le bouleversement dans la tradition canonique, qu’avez-vous fait pour relever ce qu’ils ont renversé ? Depuis que les catholiques, les croyans du Nord, sont aux prises avec ce scepticisme qui menace de détruire l’arbre par la racine, quel secours leur avez-vous porté ? Vous n’avez pas même entendu leurs cris de détresse ! Où sont les avertissemens, les apologies savantes de nos Bossuet, de nos Fénelon, contre les Jurien et les Spinosa de nos jours ? Où est la réfutation des recherches et des conclusions d’un Gesenius sur Isaïe, d’un Ewald sur les Psaumes, d’un Bohlen sur la Genèse, d’un de Wette sur le corps entier des Écritures ? Ce sont là, d’une part, des œuvres véritablement hostiles, puisqu’elles ne laissent rien subsister de l’autorité catholique, et de l’autre de savans auteurs, qui semblent parler sans nulle autre préoccupation que le désir sincère de la vérité ; il ne suffit pas de les maudire, il faut les contredire avec une patience égale à celle dont ils ne se sont pas départis. Assurément il est plus facile de s’adresser, comme vous le faites, à une vaine abstraction, poursuivant et terrassant les imaginations que vous vous créez pour cela ; mais ce détour ne peut satisfaire personne, car l’ennemi ne se déguise pas, il ne recule pas : au contraire, il vous provoque depuis long-temps. Il est debout, il parle officiellement dans les chaires et les universités du Nord ; et, pour nous, simples laïques, que pouvons-nous faire, sinon vous presser de répliquer enfin à tous ces savans hommes qui ne vous attaquent pas sous un masque, qui ne vous harcèlent pas, ne vous provoquent pas en fuyant, mais qui publiquement prétendent vous ruiner à visage découvert ? Répondez donc sans tarder, il le faut ; répondez sans tergiverser, mais aussi sans calomnier personne, et, ne vous servant que des armes loyales de la science et de l’intelligence, revenez au plus tôt là où est le péril ; quittez les ombres sur lesquelles le triomphe est aisé. Entre vos adversaires qui, tranquillement, chaque jour, vous arrachent des mains une page des Écritures, et vous qui gardez le silence ou parlez d’autre chose, que pouvez-vous demander de nous, sinon que nous consentions à suspendre notre jugement aussi long-temps que vous suspendrez votre réponse ? Avant de songer à attaquer, songez donc à vous défendre, puisque, encore une fois, la philosophie, la philologie, la théologie du Nord, se vantent, à la face du ciel, de vous avoir enlevé les fondemens de votre autorité, en détruisant, sous vos yeux, l’autorité de l’Écriture, sans que vous paraissiez seulement vous apercevoir de ce qui vous manque ! Êtes-vous décidés à laisser effacer sous vos yeux, et sans rien dire,