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UNE JOURNÉE À LONDRES.

Londres occupe une énorme surface : les maisons sont peu hautes, les rues très larges, les squares grands et nombreux ; le parc Saint-James, Hyde-Parck et Regent’s Parck couvrent d’immenses terrains ; il faut donc presser le pas, autrement l’on n’arriverait à sa destination que le lendemain.

La Tamise est à Londres ce que le boulevart est à Paris, la principale ligne de circulation. Seulement, sur la Tamise, les omnibus sont remplacés par de petits bateaux à vapeur étroits, allongés, tirant peu d’eau, dans le genre des Dorades qui allaient du Pont-Royal à Saint-Cloud. Chaque trajet se paie six pence. L’on va ainsi à Greenwich, à Chelsea ; des cales sont établies près des ponts où se prennent et se déposent les passagers. Rien de plus agréable que ces petits voyages de dix minutes ou d’un quart d’heure qui font défiler devant vous, comme un panorama mobile, les rives si pittoresques du fleuve. Vous passez ainsi sous tous les ponts de Londres. Vous pouvez admirer les trois arches de fer du pont de Southwark, d’un jet si hardi, d’une ouverture si vaste ; les colonnes ioniennes qui donnent un aspect si élégant au pont de Blackfriars, les piliers doriques d’une tournure si robuste et si solide de Waterloo-Bridge, le plus beau pont du monde assurément. En descendant de Waterloo-Bridge, vous apercevez, à travers les arches du pont de Blackfriars, la silhouette gigantesque de Saint-Paul, qui s’élève au-dessus d’un océan de toits, entre les aiguilles et les clochers de Sainte-Marie-le-Bow, de Saint-Benoit et de Saint-Mathieu, avec une portion de quai encombrée de bateaux, de barques et de magasins. Du pont de Westminster vous découvrez l’antique abbaye de ce nom élevant dans la brume ses deux énormes tours carrées qui rappellent les tours de Notre-Dame de Paris, et qui portent à chaque angle un clocheton aigu, les trois clochers bizarrement tailladés à jour de Saint-Jean-l’Évangéliste, sans compter les dents de scie formées par les aiguilles des chapelles lointaines, les cheminées de fabrique et les toits de maison. Le pont du Vaux-Hall, qui est le dernier qu’on trouve de ce côté, clôt dignement la perspective. Tous ces ponts, qui sont en pierre de Portland ou en granit de Cornouailles, ont été construits par des sociétés particulières, car à Londres le gouvernement ne se mêle de rien, et les dépenses en sont couvertes par un droit de péage. Ce péage, pour les piétons, est perçu d’une façon assez ingénieuse. On passe par un tourniquet qui, à chaque tour, fait avancer d’un cran une roue graduée placée dans le bureau de perception ; de cette ma-