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Ce qui me frappa d’abord, c’est l’immense largeur des rues cotoyées de trottoirs où vingt personnes peuvent marcher de front. Le peu d’élévation des maisons rend encore cette largeur plus sensible. La rue de la Paix de Paris ne serait là-bas qu’une rue assez étroite ; le pavé de bois dont on a fait chez nous un essai de quelques toises est généralement adopté à Londres, où il résiste parfaitement à une circulation de voitures trois fois plus nombreuse et plus active que celle de Paris. Les roues tournent sur ce parquet de sapin, muettes et sourdes, comme sur un tapis, et épargnent aux habitans des rues fréquentées le tapage assourdissant que font les voitures sur des pavés de grès. Mais il est vrai de dire qu’à Londres le développement des trottoirs permet aux piétons d’abandonner la chaussée aux chevaux et aux véhicules, ce qui prévient les accidens nombreux que ne manquerait pas de causer l’absence de bruit. Les rues qui ne sont pas parquetées en bois sont macadamisées.

Me voilà donc prenant au hasard les rues qui se présentaient devant moi, et marchant d’un pas délibéré comme un homme sûr de son chemin. Les boutiques s’ouvraient à peine. Paris se lève plus tôt que Londres ; ce n’est que vers les dix heures que Londres commence à s’éveiller, il est vrai qu’on s’y couche beaucoup plus tard.

Les servantes en chapeau, car le chapeau ne quitte jamais la tête des femmes, lavaient et frottaient les marches des escaliers.

Puisque les habitans ne sont pas encore levés, occupons-nous des habitations ; décrivons le nid avant l’oiseau. — Les maisons anglaises n’ont pas de portes-cochères ; presque toutes sont privées de cour : un fossé recouvert de barreaux ou garni de grilles les sépare du trottoir. C’est au fond de cette tranchée que sont placées les cuisines, l’office et les dépendances. Le charbon de terre, le pain, la viande, que l’on porte sur des espèces de planches creusées, enfin toutes les provisions de bouche se descendent par là sans causer aucun dérangement aux maîtres ; les écuries sont habituellement placées dans d’autres bâtimens quelquefois assez éloignés ; la brique est la base ordinaire des constructions. Les briques anglaises sont assez souvent d’une couleur d’ocre, d’un ton jaunâtre et faux qui ne valent pas à mon avis les tons rouges et chauds des nôtres. Les maisons construites avec des briques de cette couleur ont une physionomie malade et malsaine désagréable à l’œil. Les étages ne dépassent guère le nombre de trois, et ne comportent que deux ou trois fenêtres de front, car une maison n’est ordinairement habitée que par une seule famille. Les fenêtres affectent cette forme connue chez