Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.



UNE
JOURNÉE À LONDRES.

J’avais passé la nuit au bal masqué, et rien n’est triste comme un lendemain de bal ; je pris une détermination violente, et je résolus de traiter mon ennui à la manière homœopathique. Quelques heures après, ayant eu à peine le temps de me débarrasser de mes caftans, de mes poignards et de tout mon attirail turc, j’étais en route pour Londres, la ville natale du spleen.

La perfide Albion vint au-devant de moi dans la diligence, sous la forme de quatre Anglais, entourés, bastionnés de toutes sortes d’ustensiles comfortables, et ne sachant pas un mot de français : mon voyage commençait tout de suite. À Boulogne, qui est une ville complètement anglaisée, je fus réduit à une pantomime touchante pour exprimer que j’avais faim et sommeil, et que je voulais un souper et un lit ; enfin l’on alla chercher un drogman qui traduisit mes demandes, et je parvins à manger et à dormir. On n’entend à Boulogne que l’anglais ; je ne sais pas si le français, par compensation, est l’idiome dont se servent les habitans de Douvres, mais je n’en crois rien. — C’est une remarque que j’ai déjà faite sur plusieurs de nos frontières, que cet envahissement des coutumes et du langage des pays voisins. L’espèce de demi-teinte qui sépare les peuples sur la carte et dans la réalité, est fondue plutôt du côté de la