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gouvernement dut se convaincre que chaque localité voulait fournir ses propres professeurs. Ces prétentions étaient inadmissibles, et elles furent écartées. Alors les bonnes dispositions se changèrent en hostilités, et il y eut en France une ville grande et célèbre, dont le conseil municipal prit une délibération d’après laquelle il était défendu à tous les conservateurs des bibliothèques, des musées et des collections scientifiques, de communiquer un livre ou un objet quelconque aux professeurs des nouvelles facultés. Cette délibération est enfreinte tous les jours par les conservateurs, mais elle n’a jamais été rapportée. En présence de faits pareils, on pourrait concevoir quelques inquiétudes sur les travaux de la commission des manuscrits, si par impossible le gouvernement pouvait montrer un moment d’hésitation.

Cette publication, destinée à faire connaître ce que les provinces contiennent de plus précieux (car, quant aux bibliothèques de Paris, la publication du catalogue ne peut sortir des mains des savans qui les dirigent), a été entreprise sans avoir recours à aucun crédit extraordinaire, avec les seules ressources dont M. Villemain pouvait disposer pour l’encouragement des bibliothèques. Cependant un si grand ouvrage ne saurait se continuer sans l’appui des chambres. On peut être rassuré sur ce point : lorsqu’un homme de la valeur littéraire et de l’autorité de M. Villemain se présentera devant les mandataires du pays avec un premier volume imprimé, les chambres qui, à la demande de M. Guizot, ont accordé des fonds considérables pour la publication des documens relatifs à l’histoire de France, seront unanimes pour accorder au ministre de l’instruction publique les fonds nécessaires à la continuation du catalogue général des manuscrits des départemens. Il ne faut pas douter que les étrangers n’imitent bientôt une si heureuse idée, et nous sommes sûr que l’on verra l’Allemagne et l’Angleterre s’emparer de ce projet.

Certes, la France, qui a ouvert la route, ne voudra pas rester en arrière ; s’il pouvait du reste y avoir la moindre hésitation à cet égard, le ministre de l’instruction publique n’aurait qu’à rappeler aux chambres un fait qui se passe à l’autre extrémité de notre continent. Dans cette Chine, que l’on affecte de mépriser si fort, et où quelques nations européennes s’efforcent de montrer d’une si singulière manière la supériorité de leur civilisation, l’empereur Khien-Long décréta, en 1773, la publication d’une anthologie intitulée les Quatre Trésors, composée des traités les plus intéressans sur toutes les bran-