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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

rois. En les examinant, on se persuade facilement de ce que nous venons d’avancer. La séparation entre les bibliothèques civiles et les bibliothèques ecclésiastiques, qui était dès-lors complète, avait commencé depuis long-temps. Ce qui avait lieu en France se répétait partout ailleurs. Sans parler de Pétrarque qui possédait une belle bibliothèque dont on connaît le catalogue, les rois de Naples, les Visconti à Milan, les Médicis à Florence, Mathias Corvin en Hongrie, cherchaient à grands frais à faire venir des manuscrits de toutes les parties de l’Europe.

Les collections formées par les rois de France et par les ducs de Bourgogne semblaient destinées à former le noyau des grandes bibliothèques qui existent actuellement à Paris ; mais il n’en fut pas ainsi. Elles furent dispersées, et cette dispersion, malheureusement trop complète, nous fait comprendre comment d’autres bibliothèques, plus anciennes, ont pu se dissiper sans qu’il en restât ni traces ni souvenir.

Après l’invention de l’imprimerie, les manuscrits furent négligés ; et comme souvent on imprimait alors sur le manuscrit même, sans se donner la peine de le copier, on en détruisit beaucoup de cette manière-là. Cependant, dès que l’on commença à s’occuper de donner des éditions critiques, l’on sentit le besoin de revenir aux manuscrits, qui furent bientôt recherchés avec soin. C’est du XVe siècle que date la formation de la Bibliothèque royale actuelle. Louis XI en jeta les fondemens ; Charles VIII et Louis XII y transportèrent les manuscrits enlevés aux bibliothèques du roi de Naples et du duc de Milan, et François Ier l’enrichit d’un grand nombre de manuscrits rares tirés de l’Italie. Henri II et Diane de Poitiers aimaient beaucoup les beaux livres, et l’on ne voit pas sans quelque étonnement le croissant et la figure de Diane chasseresse (qui étaient, comme on sait, les emblèmes de cette beauté célèbre) sur la reliure de plusieurs des plus beaux manuscrits grecs de la Bibliothèque royale. Augmentée bientôt des manuscrits du maréchal Strozzi, que Catherine de Médicis s’était appropriés, et que Henri IV racheta des créanciers de cette princesse, la Bibliothèque royale dut aux soins des de Thou, des Dupuis, des Carcavi, des Colbert, à qui la garde en fut successivement confiée, des accroissemens considérables, et elle était déjà, au moment de la révolution, une des plus remarquables de l’Europe par le nombre, l’antiquité et l’importance des manuscrits qu’elle contenait.

Sous la terreur, la Bibliothèque royale fut gravement compromise.