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dans un autre portrait de femme, de M. Cornu, placé à côté du précédent. Les mains sont finement dessinées ; le ton général manque un peu de ressort.

Les portraits en pied du roi, par M. de Rudder, et de l’amiral Roussin, par M. Larivière, diffèrent assez par le ton et la couleur, mais ils se ressemblent par l’absence de qualités d’exécution assez originales ou assez fortes pour donner une valeur artistique à un portrait. M. Eugène Devéria a fait une bien malheureuse rentrée au salon, avec son portrait de femme dans lequel on ne peut rien louer. Cet artiste, du reste, semble s’être complètement épuisé dans sa première œuvre, déjà si ancienne, la Naissance de Henri IV. Il en est arrivé à peu près autant à M. Court, qui nous donna aussi son talent d’un seul coup et tout à la fois dans sa Mort de César. Par quelle étonnante aberration de sentiment et de goût cet artiste en est-il venu à produire des œuvres comme sa Baigneuse algérienne et son portrait de femme assise ?

Avant de descendre à la salle des marbres, des bronzes et des plâtres, la petite galerie d’Apollon nous offre à citer quelques productions du burin et de la pointe. Depuis que les graveurs ont cessé d’inventer et de composer eux-mêmes leurs ouvrages, comme firent jadis tant d’excellens maîtres d’Italie, d’Allemagne et de France, pour se borner au rôle exclusif de traducteurs, cet art s’est amoindri. L’exécution a perdu cette originalité et cette variété qu’elle acquérait entre des mains conduites par un sentiment libre et spontané ; elle est devenue de plus en plus mécanique. Ses procédés se sont systématisés et régularisés au point de n’exiger pour leur bonne application que le degré d’adresse et de patience nécessaire dans tout travail de précision et de délicatesse manuelles. La gravure s’est perfectionnée sans doute comme instrument de copie et de reproduction, mais elle a perdu de sa valeur comme art spécial et indépendant. Elle n’essaie plus que très rarement, parmi nous du moins, de se faire valoir par elle-même et par ses seules ressources ; elle ne se montre que comme l’humble servante d’une pensée étrangère, devant laquelle elle abdique, autant qu’il lui est possible, son individualité, sa perfection comme copie consistant précisément à s’effacer complètement au profit de son modèle. Cependant, malgré l’abnégation à laquelle la gravure se résigne, elle est et sera toujours un art libéral. Le sentiment et le goût du graveur interviennent nécessairement dans son travail, qui doit reproduire, pour être exact, le dessin, le caractère, le style, et même, à quelque degré, la couleur de l’ori-