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LE SALON.

paraît-il n’avoir pas eu grand’peine, cette année, à attirer l’attention du public ; il doit cette faveur un peu à son talent et beaucoup au piquant de la nouveauté. Il a huit portraits exposés ; c’est trop, car le huitième qu’on voit ne plaît déjà plus autant que le premier. Nous en citerons deux seulement, celui de M. Pradier, et un autre en pied, d’homme également, dans la première travée de la galerie. Ils sont l’un et l’autre d’une exécution à la fois facile et solide ; les têtes ont du relief, le modelé est bien accentué, les extrémités sont étudiées avec soin et traitées avec fermeté, les étoffes et accessoires convenablement rendus, l’ensemble de la figure a de la tournure et presque du caractère. Nous verrons l’an prochain ce qu’il adviendra de ce nouveau style.

M. Winterhalter, après le Décaméron, se jeta tout d’un coup dans le portrait et y est resté. Il y a bien du clinquant et du fard dans sa peinture, mais le véritable art y conserve encore une place. Ses portraits sont un peu conçus dans le goût anglais ; son imagination de peintre se trouvant trop resserrée dans les limites de la seule figure du modèle, elle en sort autant qu’elle peut et se déverse sur les accessoires, les vêtemens, les fonds, sur tout ce qui lui tombe sous la main ; ses portraits deviennent ainsi presque des tableaux. Le portrait lui-même y perd un peu, car il est en partie sacrifié à l’effet de l’ensemble ; mais l’art et l’artiste surtout y gagnent. Des trois portraits exposés par M. Winterhalter, celui de la reine est le plus sobre d’appareil pittoresque et le meilleur comme portrait. La jolie petite tête du comte de Paris, dont les joues rebondies ont la rondeur, la fraîcheur et l’éclat de la pomme, est un peu trop absorbée par ce beau chapeau de satin blanc tout neuf et la superbe plume qui y est attachée. Dans le portrait de Mme la comtesse Duchâtel et de son fils, il y avait à vaincre l’effet ingrat et prosaïque du costume contemporain, si sensible surtout dans les figures en pied et de grandeur naturelle ; pour esquiver la difficulté, l’artiste a plongé le principal personnage dans les vapeurs et les lignes d’un ciel nuageux. M. Winterhalter est assez heureux en modèles, à en juger par la plupart des portraits qu’il montre au salon. De bien moins habiles que lui profitent de ces bonnes rencontres pour faire regarder leur toile. C’est ce qui est arrivé à M. Dubuffe, avec son portrait de femme du grand salon ; l’original indemnise de la copie.

Il y a de la distinction, du goût et beaucoup d’étude dans le portrait de femme, de M. Mottez. La pose est d’une simplicité élégante, la robe noire artistement touchée. Il y a quelques détails heureux