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joue partout avec liberté, et détermine des accidens piquans sans recherche ni papillotage ; les fonds ont de la profondeur. Dans les détails, la touche est encore indécise et ne saisit rien assez fortement. M. Blanchard a besoin de s’attacher strictement à la nature ; il tomberait facilement dans la fantaisie et le conventionnel. Cette tendance est déjà écrite sur sa première toile.

Dans la Vue de la villa d’Este, de M. Labouère, les hauts cyprès de droite sont d’un grand dessin et d’une belle tournure. Les grands pins à parasol du milieu ont de la vérité dans la forme et le port, mais une raideur exagérée. Ce défaut est général. Cette nature est un peu celle de l’Opéra ; elle a trop la symétrie, l’aspect découpé, l’immobilité du carton, et la lumière ressemble un peu à un éclairage. M. Labouère a abusé de la transparence et de la pureté du ciel romain qui laisse voir en effet le contour des objets avec netteté, mais sans les isoler pourtant à ce point. Dans la nature, il y a partout du clair-obscur. Malgré ces exagérations, cette vue est un morceau fort estimable. La Source, de M. Célestin Nanteuil, n’est peut-être pas un paysage. Cependant, comme il y a du feuillage et de l’eau, elle peut figurer sous ce nom. C’est, du reste, une peinture de caprice, d’un goût peu châtié, d’une composition fantasque, mais dont les détails sont ingénieusement exécutés. La figure est la disgrace même.

La peinture de fruits et de fleurs est une annexe du paysage. Ce sont les dames qui en ont naturellement le monopole. Nous envelopperons tous ces petits ouvrages de leurs mains délicates sous un éloge général. Il n’y a aucune raison de louer les autres artistes en ce genre. Nous ne ferons qu’une exception en faveur de M. Saint-Jean, qui, sous le titre singulier d’une Tête du Christ entourée des emblèmes eucharistiques, nous a donné une magnifique guirlande de raisins, d’épis de blé et de pampres, dessinés et peints avec un rare talent.

Les marines ne nous retiendront pas beaucoup. Ce genre est pauvre ; les mêmes noms reviennent toujours, celui de M. Gudin en tête. Sa fécondité dépasse toute imagination. Il a, cette année, dix tableaux à l’exposition dont plusieurs de grande dimension. Le plus important, au moins sous ce dernier rapport, est l’Abordage, du grand salon. On y trouve toutes les qualités brillantes de ce maître, dont la manière, en quelque sorte stéréotypée, ne paraît devoir jamais ni se perfectionner, ni faiblir, ni changer. L’élégance, la distinction, la finesse, y dominent ; la profondeur, soit de l’observation, soit de l’imagination, y manque. C’est un talent facile, brillant, fertile en ressources, très intelligent, plein de goût, mais au fond un peu