Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
DU GÉNIE DES RELIGIONS.

en fait de religions le panthéisme, le nihilisme, le dualisme, le christianisme, l’islamisme. Si ces doctrines ne sont pas différentes, que restera-t-il donc à distinguer ? Si je ne regarde plus aux cultes, je ne vois partout encore que diversité profonde, diversité de races, diversité de langues, diversité de mœurs, c’est-à-dire de tout ce qui sépare le plus l’homme de l’homme.

Qu’est-ce qui ferait d’ailleurs l’unité de l’Orient ? Aucun système religieux, car tous y ont eu place. On a dit pourtant que c’était l’adoration panthéiste de la nature. Mais, sans parler de Moïse, de Jésus-Christ, de Mahomet, en Chine cette adoration n’a pas eu lieu, et la religion des Perses est, nous pouvons déjà le savoir, la plus spirituelle, la plus pure d’idolâtrie de toutes les religions païennes. L’Occident d’ailleurs a connu aussi le panthéisme. La Grèce ne s’en affranchit jamais entièrement ; elle le retint dans les mystères, et on le retrouve dans les mythologies des Germains et des Slaves.

Dira-t-on que c’est l’immobilité qui distingue l’Orient ? Mais l’Asie occidentale nous offre un spectacle assez agité sans doute, et dans l’Asie orientale l’Inde a eu toutes les phases d’un complet développement : d’abord une religion sacerdotale, un culte grand et simple, des hymnes majestueux, puis la plus riche mythologie et des épopées pour livres sacrés, plus tard enfin une philosophie qui se termine par des systèmes pareils à ceux d’Épicure, de Lucrèce, d’Helvétius, c’est-à-dire la foi, la poésie, et le doute, — l’enfance, la jeunesse, la décrépitude ; que veut-on de plus ? J’oubliais encore le plus vaste des schismes, l’origine, les luttes, la défaite de l’hérésie de Bouddha. Quand on parle de l’immobilité de l’Orient, on ne se souvient pas non plus qu’en introduisant dans le monde les diverses religions qui s’y sont succédé, il y a introduit presque toutes les ères nouvelles.

Veut-on saisir dans les civilisations de l’Orient un trait qui leur appartienne à toutes, et qui manque à celles de l’Occident ; on cherche en vain, et, chose singulière, ceux qui ont fait de l’Asie et de l’Afrique un seul empire, distinguent ensuite les deux civilisations qu’unissent les plus étroits rapports. Ils ont confondu la Chine, l’Inde, l’Égypte, la Perse, et ils font de la Grèce et de Rome deux époques de l’histoire, deux âges de l’humanité. Ils ont raison cette fois, car, malgré leurs analogies, la Grèce et Rome offrent des différences dont on doit tenir compte ; mais, si on les a maintenues avec tant de scrupule quand on connaissait bien les faits, n’est-il pas permis de soupçonner que, si on les a à ce point négligées ailleurs, c’est qu’on était moins exactement informé ? Cette division de