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de Gobi, pierreux, désolé, battu par les tourmentes, farouche patrie d’Attila, de Gengiskhan et d’autres grands dévastateurs ; plus bas enfin, des volcans au milieu des steppes, des lacs solitaires, et les tombeaux mystérieux de peuplades disparues. Au pied de ce plateau colossal, et séparées par ses neiges éternelles, ses vastes étendues, ses montagnes infranchissables, se déroulent quatre plaines basses, la Sibérie avec ses fleuves glacés, les rizières de la Chine, les campagnes parfumées de l’Inde et les vergers de Samarcande. L’Asie occidentale, moins massive, plus richement découpée, a une physionomie toute différente. Au lieu d’un plateau entouré de plaines basses qu’il isole, on y trouve la plaine de l’Euphrate environnée des trois plateaux de la Perse, de l’Arménie et de l’Asie mineure, puis à l’écart non plus une Sibérie, mais les solitudes africaines de la péninsule arabique. C’est la disposition contraire. Babylone, sur les bords de son fleuve, loin de séparer les peuples, les invite à descendre vers elle pour se rencontrer dans ses jardins : rendez-vous des marchands et des princes, des caravanes et des empires, des richesses et des ambitions de l’Orient, elle est le centre d’un vaste monde dont elle unit toutes les parties. Ces deux moitiés de l’Asie sont si bien séparées, qu’il n’y a que deux portes étroites pour conduire de l’une à l’autre. L’une de ces portes est au nord dans les steppes, et c’est par elle que descendent les hordes mongoles pour ravager le monde ; l’autre, au midi, mène de l’Iran dans l’Inde et a laissé passer les Perses, Alexandre et les Arabes. Par l’une sortent la destruction et la barbarie, par l’autre entrent avec la conquête de nouvelles civilisations. La chaîne de l’Hindoukhousch enfin, qui relie le Tibet à la Perse, vrai centre géographique de l’Asie, est de tous les points du globe celui qui présente les contrastes les plus vivement heurtés ; les plaines les plus basses et les plateaux de la plus grande hauteur s’y rencontrent brusquement. On parle d’uniformité, et je ne vois que variété, variété de structure, variété de climats, variété d’aspects, variété dans les trois règnes. Je n’ai rien dit pourtant de l’Afrique, que l’on comprend aussi sous le nom d’Orient, et qui est à tous égards si différente de l’Asie.

Les peuples se ressembleraient-ils davantage ? Assurément le même génie ne respire pas dans les maximes politiques de Confucius, dans les épopées sacerdotales de l’Inde, dans les liturgies du Zend Avesta. Les extases des ascètes du Gange ont peu de rapports avec la froide sagesse du lettré chinois. L’ame héroïque des Perses n’a pas animé les géomètres et les théosophes de l’Égypte. Je compte