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DU GÉNIE DES RELIGIONS.

plus la lumière, comme les anciens patriarches, dans l’aurore ou dans l’éclat du matin ; ils la connaissent et l’adorent dans toutes ses gloires ; elle a pour eux atteint son midi.

Sur le plateau perse, le peuple, loin de s’efféminer comme dans l’Inde, garda des mœurs robustes et de viriles inclinations. D’un génie guerrier, il fut frappé de la guerre qui se poursuit dans le monde, de la dualité qui le divise, des principes ennemis qui se le disputent. L’univers lui parut entraîné dans une grande lutte où les deux moitiés de la création sont aux prises sous la conduite de deux puissances rivales, Ormuzd, dieu de la lumière, et avec elle de toute vie, de tout ce qu’il y a de bon, de beau, d’heureux ; Ahriman, prince des ténèbres, de la mort et de tout ce qu’il y a de coupable, de laid, de douloureux, de funeste. Cette guerre n’a nulle part et jamais de trève. Les adorateurs d’Ormuzd sont donc ses soldats dans une bataille qui ne souffre pas de repos. Sans cesse et partout ils doivent établir l’empire de la lumière et détruire les puissances des ténèbres, conquérir et soumettre à la loi de leur dieu tous les pays qui ne la reconnaissent pas. La guerre sainte est une suite nécessaire de ce dogme, et cela explique l’esprit de conquêtes qui, entre tous les peuples de l’Asie, animait les Perses. Il s’agissait pour eux du triomphe même de leur dieu, et l’épopée de Firdussi, qui chante leur histoire, témoigne de l’esprit religieux dont les héros perses étaient inspirés. Mais, au lieu de l’ascétisme contemplatif et de la mansuétude qui efféminent les héros de l’Inde, c’est l’énergie, la mâle dévotion et les vaillantes prouesses des chevaliers qui se croisaient pour Jérusalem.

Cette guerre sainte, chaque Perse avait à la livrer dans son ame aussi, dont il devait chasser tous les mauvais désirs, toutes les ténébreuses pensées ; lutte morale qui s’étendait jusqu’aux plus secrets sentimens, se proposait une pureté sans tache, et a mérité aux Perses d’être appelés les puritains du paganisme. Cette guerre se poursuivait encore plus loin : le soldat d’Ormuzd devait, partout autour de lui dans la nature, multiplier la vie, le bonheur, et cultiver soigneusement la terre, puisque la stérilité et le désert appartenaient à Ahriman. On comprend sans peine la bienfaisante influence qu’exerçait un tel culte, et comment aussi il fondait l’accord aujourd’hui tant cherché de l’industrie et de la religion. Du reste, cette lutte n’est pas éternelle. Ahriman, purifié dans les flammes avec toutes ses légions, quittera ses haines pour se réconcilier avec Ormuzd ; l’enfer repenti montera au devant des anges de lumière, et tous ensemble entonne-