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sanglantes ; ils s’emparèrent du fils de Mohammed Azim, et forcèrent sa mère de leur livrer ses trésors en la menaçant de la faire sauter à la bouche d’un canon. L’un d’eux se déclara indépendant à Candahar, un autre à Peschawer, Dost Mohammed à Caboul. Eyoub se sauva à Lahore, et la monarchie douranie disparut au milieu de cette tempête.

Les Barukzis, en se divisant, emportèrent chacun un lambeau du royaume des Afghans. Sultan Mohammed devint chef de Peschawer, sous la protection du roi de Lahore. Burnes le visita dans sa ville en 1832[1]. « Ce chef, dit-il, n’est point un Afghan illettré, tel que je le supposais ; c’est un homme de bonne compagnie, bien élevé et instruit, dont les manières affables ont produit sur mon esprit une impression durable. » «… Le chef de Peschawer, dit-il ailleurs, et sa famille vivent au jour le jour, comme font les Afghans ; il est généreux de ce qu’il possède, et n’a point de trésor. On m’a assuré que sans cette libéralité, qui ressemble à de la prodigalité, les chefs ne pourraient se maintenir au pouvoir ; celui de Peschawer a rallié autour de lui quelques-uns des capitaines Douranis qui ont part à sa magnificence. »

La faiblesse du chef de Peschawer le mettait à la discrétion du roi de Lahore, dont il était tout-à-fait le vassal. Si Rundjet-Singh n’occupait pas cette province, c’est qu’il n’aurait pu le faire sans y entretenir une garnison de musulmans. Dost-Mohammed, khan de Caboul, avait toujours eu le projet d’enlever cette ancienne possession des Afghans à la suzeraineté des infidèles, et son grand grief contre les Anglais, celui qui le jeta dans les bras de la Russie, c’est que le gouvernement de l’Inde protégeait son allié de Lahore contre toutes ses tentatives.

Un autre Barukzi, Kirdil-Khan, s’était déclaré indépendant à Candahar, et, en mourant, avait laissé cette principauté à son fils, Cohandil-Khan. Le chef de Candahar, comme celui de Peschawer, était l’ennemi du chef de Caboul, mais tous trois étaient prêts à s’unir contre le chef de Hérat, Kamram, seul descendant régnant des Sudozis, de même que contre toute invasion étrangère. Dost-Mohammed reçut un jour de son frère de Candahar l’avis qu’un ambassadeur persan était venu le menacer. Le chef de Caboul lui répondit : « Quand les Perses s’avanceront, mande-le-moi ; et de même que je suis aujourd’hui ton ennemi, je serai alors ton ami. » Quand l’armée anglaise envahit l’Afghanistan en 1839, les frères ennemis se réconcilièrent et tombèrent ensemble.

Ils se réunirent aussi contre shah Soudja. Toutes les inimitiés de famille disparaissaient quand il fallait combattre l’ennemi de la tribu. Le roi de Lahore lançait de temps en temps les Sudozis contre les Barukzis. En 1833, l’aventureux Soudja fit une nouvelle tentative pour reconquérir son royaume, avec ses propres ressources et avec le secours des Seiks, car, à cette époque, les Anglais ne voulaient pas se mêler de ses affaires. Il parvint à lever une assez forte armée, partit de Loudiana au mois de janvier, passa l’Indus au mois de mai, et prit possession de Chikarpour, qui était aux émirs du Sindy. Il

  1. Travels, t. II, c.iii.