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LE SALON.

ne nous semblent pas d’ailleurs prétendre être examinées de près et sérieusement. Dans le Raymond VI, comte de Toulouse, de M. Gué, le même que l’auteur du Jugement Dernier, exposé au précédent salon, il y a un magnifique fragment d’architecture admirablement peint. C’est le frontispice de la vieille église de Saint-Gilles en Languedoc, à la porte de laquelle se passe la scène représentée. Il ne faut pas confondre cette composition avec une autre de M. Oscar Gué, qui nous fait assister à la comparution du prince de Condé, si compromis dans la conspiration d’Amboise, devant le conseil de François II. Comme composition, nous n’avons rien à en dire ; comme couleur, il y a des parties très dignes d’éloges. La même observation s’appliquera convenablement au tableau de M. Blanchard (Octave), représentant la Lecture de l’Évangile dans une église de Rome. Il y a de la vigueur et du relief, et quelques souvenirs de la manière de M. Schnetz. M. Karll Girardet, qu’on doit distinguer aussi de son homonyme, M. Édouard Girardet, a peint une scène des persécutions religieuses qui suivirent la révocation de l’édit de Nantes. Des protestans rassemblés à un prêche sont surpris par des soldats guidés par des moines. Le ministre est appréhendé au corps. Il y a de l’intelligence et du talent dans cette composition, mais rien d’assez saillant comme art pour motiver une étude particulière. M. Fragonard pourrait dire aux visiteurs du salon ce qu’Henri IV disait à ses soldats : Vous me reconnaîtrez à mon panache ; c’est son emblème comme la fameuse giroflée du Garofalo. Il en met un au moins dans chacun de ses tableaux, et c’est le plus bel ornement de ses Funérailles de Masaniello, fatras pittoresque et chevaleresque du goût que vous savez.

Les Femmes Franques, de M. Eugène Lepoittevin, ne sont autre chose que des Mazeppas féminins, attachés tout nus, par je ne sais quel cruel tyran, à la queue de chevaux sauvages, et emportés à travers champs. Nous retrouverons avec plaisir M. Lepoittevin en mer.

M. Leullier, pour nous reposer sans doute du spectacle terrible de son vaisseau le Vengeur, de l’an passé, s’est inspiré de la féerie. Il nous montre l’enchanteur Atlant monté sur l’hippogryphe, en compagnie de trois ou quatre belles filles nues qu’il a enlevées en route. Il n’était pas facile d’arranger tout ce monde sur le dos de l’animal ailé. M. Leullier s’en est tiré à son honneur. La figure de son enchanteur, toute d’imagination, est heureusement inventée comme type et comme ajustement. Il y a un peu de fadeur peut-être et pas assez de solidité dans le ton dominant.