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bien chargée de matière pour représenter une ame. L’exécution est consciencieuse, étudiée sans minutie, la touche délicate et aussi un peu molle. Nous n’aurions pas pu donner les mêmes éloges à la Fuite en Égypte, du même auteur.

Nous ne pensons pas qu’il soit rigoureusement dans le devoir de la critique d’analyser en détail des œuvres comme le Jean Guiton, de M. Omer-Charlet, le Lara, de M. Balthazar, ou même la Séance royale, de M. Vinchon. Nous remarquerons cependant que dans ce dernier tableau le tapis de la salle est d’une ressemblance parfaite et admirablement exécuté. Plaignons surtout l’artiste habile auquel on a donné à peindre cette colonne du Moniteur de 1814.

Au premier aspect du tableau de M. Hesse, si riche en figurines, si encombré de cottes de mailles, de cuissards, de brassards, d’éperons dorés, de longues épées, de bannières, si provoquant de ton, si luisant et si propre, nous avons cru voir un produit de cette école, de Lyon, fameuse jadis par son vernis. Il est impossible d’être moins coloriste, avec une masse de couleurs suffisante pour défrayer dix tableaux de Rubens ou de P. Véronèse. M. Hesse a voulu être solide, mais la solidité n’est pas la dureté et encore moins la crudité. Cette peinture n’appelle l’œil que pour le blesser. La composition ne nous indemnise guère de ce premier échec. Nous voyons ici beaucoup de riches costumes de soie, d’or et de pourpre, des armures magnifiques ; mais où sont les corps qui portent tout cela ? Toutes ces petites maquettes, placées les unes à côté des autres comme des découpures, ne sont pas de véritables hommes. N’allons pas plus loin ; nous en avons déjà trop dit. Il en coûte d’avoir à constater une telle chute d’un talent qui, après avoir fait les Funérailles du Titien, vient nous apporter le Godefroi de Bouillon. Espérons plutôt que ce n’est là qu’un faux pas.

Nous avons soupçonné le livret d’erreur en lui voyant attribuer le tableau qui porte le titre de Bataille de Civitella à M. A. Roger. Nous ne pouvions croire que l’auteur de ce tableau fût le même que celui des peintures des fonts baptismaux à Notre-Dame de Lorette. Cependant le fait est certain, et il devient dès-lors inexplicable ; mais nous n’avons pas le temps d’étudier des énigmes.

Dans cette catégorie du genre historique, nous rencontrons encore M. Clément Boulanger, qui y est très fidèle. Son Mal des Ardens est un fort joli pendant de sa Gargouille. On voit, à ces noms pleins de goût, que l’auteur est de l’école romantique. Il y a quelque agrément de couleur et d’effet pittoresque dans ces compositions, qui