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LE SALON.

au fond de la galerie de bois, hors de la portée du regard. Nous nous arrêterons davantage, plus loin, sur la fresque de ce même artiste.

Le Prométhée enchaîné, de M. Jourdy, n’est pas une composition, c’est un recueil d’études dont la plupart sont bonnes. Il faut seulement reporter une partie de notre approbation sur Flaxmann, qui a fourni les principales. Mais il y a du goût à bien choisir, et il faut beaucoup de talent pour ne pas gâter les belles choses qu’on imite. M. Jourdy mérite qu’on fasse ces distinctions.

M. Bezard a traité, dans sa Calomnie, un sujet entièrement idéal. Ses personnages sont tous des êtres allégoriques. La destinée de ce tableau est curieuse ; il fut peint pour la première fois par Apelles ; le tableau ne nous est pas parvenu, mais Lucien en a laissé une description très exacte et détaillée. Vers le milieu du XVIe siècle, un peintre florentin, Alexandre Botticelli, eut l’idée de retraduire en peinture la traduction en prose de Lucien. Cette composition se voit encore aujourd’hui à la galerie de Florence. Un demi-siècle après, Raphaël eut un caprice analogue et transforma la page de Lucien en un très beau dessin à l’aquarelle et au bistre qui est au Louvre à Paris. C’est dans cet état qu’il est enfin arrivé entre les mains de M. Bezard. Cette dernière édition n’est peut-être pas la meilleure ; elle est d’une froideur académique à glacer. Il faut beaucoup d’imagination pour donner un sens à l’allégorie et la transporter dans la réalité. M. Bezard n’a trouvé qu’une tête pour la plupart de ses figures. La meilleure est, sans contredit, celle de la Crédulité qui est véritablement stupide. Il y a pourtant dans cette composition beaucoup de science et des études solides qui ne feront pas défaut à M. Bezard dans quelque autre sujet moins ingrat.

Puisque nous sommes dans la mythologie, plaçons ici la Clytie, de M. Riesener. Le livret assure que cette jeune fille est transformée en héliotrope dans le tableau. Heureusement il n’en est rien ; elle va l’être seulement. Cette figure nue, ou à peu près, a la grace sensuelle et maniérée des Léda, des Érigone et autres nudités du même artiste ; mais enfin c’est de la grace, et c’est beaucoup. Avec un sentiment moins fin de l’art et surtout bien moins d’esprit que l’auteur de la Clytie, M. Glaise a fait aussi un emprunt heureux à cette charmante mythologie. Il nous fait voir la pauvre Psyché retirée du fleuve où elle s’était précipitée de désespoir après sa rupture avec l’Amour. Le ton de cette peinture est doux et harmonieux ; on pourrait souhaiter un peu plus d’idéal dans les formes de ces deux nymphes, et particulièrement dans la Psyché, qui, en dépit de son nom, est