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Dresde, chef-d’œuvre qui, pour le dire en passant, ne coûta que cent soixante-dix francs au bon bourgeois de Parme Albert Pratonero, qui lui en fit la commande. Le ministre de l’intérieur a dû être plus généreux pour M. Cottrau. En ne cherchant dans cette peinture que ce que l’auteur a voulu y mettre, c’est-à-dire une vive et habile imitation des jeux de la lumière, les effets imprévus et pittoresques des fortes oppositions et le charme matériel du clair-obscur, tels que le Valentin, le Caravage et Gérard delle Notti en ont donné des exemples, on ne pourra qu’être très satisfait du résultat obtenu par M. Cottrau. Sans égaler la puissance et surtout l’originalité de l’exécution de ses modèles en ce genre, il a fait preuve d’une grande habileté.

Nous rencontrons à quelque distance, et du même côté, une toile de M. Gigoux. Le Saint Philippe n’est pas de nature à relever l’artiste du grand naufrage d’Antoine et Cléopâtre. Son talent ne paraît pas pouvoir s’acclimater dans les hautes régions de l’histoire païenne ou chrétienne. Comme composition, son Saint Philippe guérissant des malades mérite des éloges. Ce vieil apôtre, placé entre ses deux filles jeunes et belles, comme entre deux anges, est une sorte de bonne fortune. La distribution des différens groupes dans le sens de la hauteur, à la faveur d’un escalier, est heureuse ; elle introduit dans la scène beaucoup de variété sans l’éparpiller. Mais un défaut irrémédiable annule tous ces préparatifs. C’est l’absence d’élévation, de noblesse, de distinction, et, dans un seul mot, de style. Ce défaut est partout, dans les formes, dans l’expression, dans les poses, dans les ajustemens, dans les accessoires, et même dans l’exécution. Heureusement pour cet artiste, il pourra, lorsqu’il le voudra, prendre sa revanche dans quelqu’une de ces petites scènes familières, sur lesquelles son crayon ingénieux, inventif et spirituel s’est si brillamment exercé autrefois dans la charmante illustration de Gil-Blas, et dont il a donné aussi en peinture quelques exemples non moins satisfaisans.

La Foi, l’Espérance et la Charité, de M. Édouard Dubuffe, indiquent des études, un goût et surtout une direction qu’on ne devait guère s’attendre à voir germer dans l’atelier de son premier maître. C’est le cas de dire : Omnia sana sanis. Nous regrettons de ne pouvoir, dans la rapidité de notre course, accorder qu’une insignifiante mention à la Sainte Cécile de M. Ferret, bien posée et d’un ton harmonieux. Il faut nous contenter, par la même raison, de saluer en passant et de très loin une belle Sainte Catherine de M. Brémond, figure d’un grand goût, d’une exécution savante et solide, reléguée