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LE SALON.

est excusable, car, si ces vénérables pages ont quelque mérite, ce n’est certes pas celui de la variété. Ceci doit s’entendre en général, il y a toujours quelques exceptions. Il a été déjà question d’une flagellation et d’un saint Louis, on peut encore en trouver trois ou quatre autres : par exemple le Moïse de M. Sturler, peinture d’un beau dessin, d’un caractère élevé, et à laquelle on ne peut reprocher qu’un peu d’uniformité dans le ton général, qui est sourd. En revanche, le tableau de M. Debon, Jésus-Christ et les Pères de l’église, pécherait volontiers par l’excès contraire ; les tons blancs, les reflets étincelans, y abondent, la lumière y ruisselle ; l’auteur a sacrifié beaucoup à l’effet, qui est presque du fracas. C’est une œuvre surtout de coloriste. Ces figures de pères, avec leurs somptueux habits sacerdotaux, sont hardiment posées et largement peintes. Ce tableau marque un progrès notable dans ce jeune artiste. La Mort de saint Jérôme, de M. Bigand, est si pauvre en figures, que c’est à peine un tableau. Son saint à genoux rappelle trop littéralement celui du Dominiquin. Il y a cependant un heureux sentiment de couleur. Quelques têtes agréables se montrent çà et là dans la grande composition no 1027 (l’Entrée de J.-C. à Jérusalem), mais elles ne suffisent pas pour compenser la stérilité d’invention, la platitude du style et la banalité des idées. La Charité, de M. Gosse, est une peinture propre, léchée, ornée et travaillée avec une recherche qui va jusqu’au précieux. Rien n’y manque du côté de la toilette. On y chercherait en vain autre chose que ces petits agrémens extérieurs. C’est un travail fort pénible, mais froid et mou. L’art proprement dit est absent. Avec bien moins d’apprêt, moins de frais de brosse et de glacis, et moins d’habileté pratique, Mme Desnos a mis, dans sa Sainte Geneviève consacrée à Dieu, assez de naturel et de naïveté pour se faire pardonner l’absence de certaines qualités qu’on aurait tort d’ailleurs d’exiger dans une œuvre de femme.

On nous dispensera d’étendre plus loin nos remarques sur les tableaux religieux du grand salon ; il nous répugnerait d’affliger ou de blesser sans aucune chance d’être utile. La médiocrité et la faiblesse doivent être abandonnées à leur sort. Mais nous trouverons dans la grande galerie quelques oublis à réparer. Et d’abord en entrant, à droite, l’Adoration des Bergers de M. Cottrau présente un effet de lumière heureux et piquant. Le foyer lumineux, placé au centre de la scène, est le corps même de l’enfant Jésus, surnaturellement empreint d’une clarté resplendissante. L’idée appartient au Corrége, qui en a fait usage dans sa fameuse Nuit de la galerie de