Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
REVUE DES DEUX MONDES.

d’après la Bible, et son visage d’une grace si parfaite, qu’elle paraissait aimable et ravissante à tous ceux qui la voyaient. » On ne trouvera pas que M. Chasseriau ait servilement copié son modèle.

Ces deux dernières peintures font tort à la première, car elles leur servent comme de commentaire, et ce commentaire n’est pas très favorable. Leur faiblesse visible donne jusqu’à un certain point la mesure de la force et de la grandeur qu’on pourrait facilement, sur la première impression, attribuer à la Descente de Croix. Disons pourtant que cette impression, dont nous avons eu à nous défendre, n’est pas entièrement illusoire. Malgré ses défauts plus ou moins crians, il y a, selon nous, dans cette page bizarre quelque chose qui résiste à l’analyse dissolvante de la critique, et qu’on chercherait peut être en vain dans toutes les autres toiles du même genre. Cette concession est grande, très grande. Le temps, qui explique tout, fera connaître si et jusqu’à quel point elle est méritée. En attendant, la sévérité était le parti le plus sûr. Nous avons vu assez d’enfans sublimes pour apprendre qu’il faut s’en défier et surtout ne pas les gâter.

Si l’on ne savait que les dimensions de la toile où M. Henri Lehmann a représenté la Flagellation lui ont été imposées, ainsi que le sujet, on s’étonnerait avec raison qu’il eût à ce point resserré et rapproché ses figures. Les deux bourreaux qui frappent, trop près de la victime, manquent évidemment d’espace pour se développer et asséner leur coup. Leur pose a quelque chose de gêné et de peu naturel. Dans cette composition, M. Henri Lehmann s’est efforcé d’agrandir sa manière. Nous croyons cependant que le grand style, les expressions violentes, le haut pathétique, sont, sinon au-dessus, du moins un peu en dehors de son talent, qui a plus d’affinité avec la grace qu’avec la force. Sa charmante Ondine de 1834 nous semble le type de ce qu’il peut et devrait vouloir faire de préférence. Ses Femmes près de l’eau (galerie de bois), inspirées par le même sentiment que l’Ondine, quoique d’un goût moins pur, nous paraissent, par cette raison, plus satisfaisantes que sa Flagellation. Cette composition est pourtant une œuvre fort estimable. Il a cherché avec soin, et non sans quelque succès, l’expression des têtes, chose rare aujourd’hui, et dont le secret est comme perdu. L’expression, toutefois, n’est pas la grimace, et je ne sais si M. Henri Lehmann n’a pas pris l’une pour l’autre dans la figure de son bourreau qui est à la droite du Christ. Le Christ lui-même n’est pas d’un style suffisamment élevé. Il n’a pas de cou, et le mouvement en haut de ses épaules,