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L’OBLAT

PREMIÈRE PARTIE.

I.

Au mois d’août, en l’année 1778, un carrosse élégant, escorté de deux laquais et traîné par quatre chevaux de poste, roulait à travers des flots de poussière sur la grande route de Paris à Marseille. Bien que ce train considérable semblât annoncer quelque personnage de distinction, la voiture ne portait pas d’écusson armorié, et un simple chiffre était tracé sur les panneaux d’un bleu d’outre-mer. Une femme sommeillait assise au fond du carrosse, dont les stores étaient soigneusement baissés. Le demi-jour qui filtrait à travers le taffetas vert jetait un reflet pâle et adouci sur cette figure naturellement haute en couleurs, et qu’une légère couche de rouge enluminait encore. La dame avait dû être belle jadis ; mais les jours fleuris de sa jeunesse étaient depuis long-temps écoulés, et de ses charmes tant admirés, il ne lui restait qu’une tournure noble, certains airs de tête imposans et les plus belles mains du monde. Le costume qu’elle portait semblerait aujourd’hui souverainement ridicule et gênant ; mais, pour cette époque, il était d’une simplicité tout-à-fait élégante et