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Olimpia a complètement atteint un des buts les plus légitimes que puisse se proposer un livre, donner une idée honorable de celui qui l’a écrit.

À une exception près, les écrivains que nous avons passés en revue représentent le même mouvement, ce mouvement funeste, qui entraîne l’art hors de ses voies pour le jeter dans celles de l’industrie. À voir se multiplier les œuvres, s’entasser les volumes, s’accroître de toutes parts cette prodigieuse activité, cette fécondité inouie dont on a peine à se rendre compte, ne croirait-on pas qu’il y a dans l’air une de ces pensées universelles de liberté, de philosophie ou de religion qui remuent tous les cœurs, aiguillonnent tous les cerveaux, et se reproduisent dans tous les livres ? Eh bien ! jamais, au contraire, les écrits d’une même époque n’ont plus révélé par leur diversité l’absence d’une préoccupation dominante ; nous n’avons aucun principe, aucune vérité à faire triompher, pas même dans ce royaume de la poésie, où l’indifférence s’est glissée, comme dans tous les autres, à la suite de la liberté. Au XVIIIe siècle, je retrouverais dans la Mélanie de La Harpe et dans la Religieuse de Diderot la même idée de bouleversement social, empruntant toutes les formes, s’emparant de tous les moyens, pour se faire jour. Je ne vois pas une seule idée commune au roman de M. de Balzac et au drame de M. Dumas. De notre temps, les uns se prennent d’enthousiasme pour des choses mortes ; les autres s’agenouillent devant des choses qui ne sont pas nées ; il n’est pas de vérité que tous saluent, de réforme dont chacun souhaite l’avènement. Quel est donc le sentiment, quelle est donc la pensée, qui chez les écrivains dont les tendances sont les plus opposées s’expriment de la même manière, par une ardeur effrayante de production ? C’est la pensée de l’argent, c’est l’amour du gain. Si jamais un mouvement de curiosité dirige les recherches et l’étude de ceux qui viendront après nous sur les immenses et stériles travaux de cette littérature hâtive au milieu de laquelle nous vivons, on trouvera un caractère commun à ces œuvres, non pas dans une même croyance ou dans un même doute, dans une même espérance ou dans une même douleur, mais dans une même impétuosité sans vigueur, dans une même abondance vicieuse, qu’aucun élan généreux vers un but entrevu et désiré par tous ne pourra faire comprendre et justifier. La mort régnera sur cet amas d’ouvrages, car il ne s’élèvera pas, des abîmes où ils seront enfouis une de ces pensées ardentes et sincères qui ont préoccupé tout un siècle, et qui vivent après lui pour militer en sa faveur, comme il a combattu pour elle. Si passagère que soit leur durée, elle aura été plus longue encore que celle du souffle qui les avait produits. Il ne sortira plus rien de ces livres, pas même cette fiévreuse haleine dont ils sont maintenant imprégnés, et que le temps aura fait disparaître de leurs pages. Mais peut-être ces œuvres ont-elles été dévouées à l’oubli par ceux même qui les composent, peut-être les écrivains d’aujourd’hui savent-ils mieux que nous ce qu’il y a de funeste et de dégradant pour l’art dans le métier qu’ils exercent en son nom. Je suis assez disposé à croire que la plupart d’entre eux regardent la vie qu’ils mènent comme un état passager. Ils se travestissent en