j’ai encore des citations qui viendront à l’appui de mes conjectures et montreront que Louise est coupable au dernier chef de ce crime bizarre et encore inconnu d’avoir dévoré son époux. Voilà ce qu’elle-même écrit à Rénée en lui annonçant que son dessein de retraite est irrévocable : « Je suis comme cette belle princesse italienne, qui courait comme une lionne ronger son amour dans quelque ville de la Suisse, après avoir fondu sur sa proie comme une lionne. » Voilà une femme qui mériterait bien plus le nom de Barbe-Bleue que la jolie héroïne du Morne-au-Diable. Heureusement pour l’époux menacé que le ciel le protège. Cette fois, c’est la femme qui succombe dans l’horrible duel sans témoins qu’elle soutenait sous le couvert de la loi. Celui que Louise appelait sa proie était un homme plus jeune qu’elle de six ans, aussi beau que Felipe était laid. Tous les déchiremens de la passion, ses transports qui épuisent, ses inquiétudes qui tuent, étaient du côté de l’ancienne baronne de Macumer. Un soupçon jaloux la frappe mortellement au cœur. Il était temps pour le second époux qu’elle sortît de ce monde.
Tel est le dénouement de ce drame ; mais, avant de s’abaisser sur le cadavre de Louise, la toile nous laisse voir Rénée heureuse, ses enfans couronnés des lauriers du concours, et son mari endormi dans un fauteuil de pair de France.
Quand on vient de lire un pareil livre, on se demande quelle pensée l’a produit, quel sens il peut vouloir cacher. M. de Balzac a-t-il cru réellement qu’il nous offrait de fidèles peintures, qu’il faisait une œuvre propre à produire illusion, comme la Nouvelle Héloïse ? ou bien a-t-il voulu simplement continuer, sous une forme nouvelle, ce fameux traité plein d’érudition graveleuse qui a commencé sa réputation ? Quoi qu’il en soit, l’impression définitive que laisse cet ouvrage est celle-ci : un sentiment de répulsion et de dégoût causé par le spectacle d’une science corrompue qui cherche, dans ses honteux mystères, l’explication des choses les plus belles, les plus simples et les plus pures de la vie. En retranchant du roman de M. de Balzac les réflexions cyniques, les interprétations flétrissantes, les faux et ridicules systèmes qu’il bâtit sur chaque fait, que se dégage-t-il ? l’histoire de deux jeunes femmes qui cherchent toutes deux le bonheur, l’une dans les jouissances de l’amour, l’autre dans celles de la maternité. Certes, il fallait une singulière adresse et une façon toute particulière d’envisager la vie, pour tirer une œuvre immorale de cette donnée. L’analyse de M. de Balzac corrompt et dégrade tous les sentimens auxquels elle s’attaque. Dans le magnifique abandon de l’amour, dans ses divins épanchements, dans ses inénarrables voluptés, il trouve matière à l’application de tous les axiomes dépravés d’un libertinage pédantesque. Dans le bonheur austère de la maternité, dans ses chastes effusions, dans ses joies bénies, il trouve matière à des observations qui révoltent les sens et blessent la pudeur. Un seul mot, celui que nous avons cité déjà, la savante virginité, suffit à montrer tout l’esprit de ce livre. Une savante virginité ! Est-il une expression plus monstrueuse ? Dernièrement, en relisant un roman