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Platon trouva la philosophie faite de brique, et la fit d’or.

J’admire dans Platon cette éloquence qui se passe de toutes les passions, et n’en a plus besoin pour triompher. C’est là le caractère de ce grand métaphysicien.

Il y a dans Platon une lumière toujours prête à se montrer, et qui ne se montre jamais. On l’aperçoit dans ses veines, comme dans celles du caillou ; il ne faut que heurter ses pensées pour l’en faire jaillir.

Il amoncelle des nuées ; mais elles recèlent un feu céleste, et ce feu n’attend que le choc.

Esprit de flamme par sa nature, et non pas seulement éclairé, mais lumineux, Platon brille de sa propre lumière.

C’est toujours de la splendeur de sa pensée que le langage de Platon se colore. L’éclat en lui naît du sublime.

Platon parlait à un peuple extrêmement ingénieux, et devait parler comme il le fit.

Il s’élève des écrits de Platon je ne sais quelle vapeur intellectuelle.

Ne cherchez dans Platon que les formes et les idées : c’est ce qu’il cherchait lui-même. Il y a en lui plus de lumière que d’objets, plus de forme que de matière.

Il faut le respirer et non pas s’en nourrir.

Longin reprend, dans Platon, des hardiesses qu’autorisait la rhétorique du dialogue, du sujet et du moment.

La haute philosophie a ses licences, comme la haute poésie. Au même titre, elle a les mêmes droits.

Platon ne fait rien voir, mais il éclaire, il met de la lumière dans nos yeux, et place en nous une clarté dont tous les objets deviennent ensuite illuminés. Il ne nous apprend rien, mais il nous dresse, nous façonne, et nous rend propres à tout savoir. Sa lecture, on ne sait comment, augmente en nous la susceptibilité à distinguer et à admettre toutes les belles vérités qui pourront se présenter. Comme l’air des montagnes, elle aiguise les organes, et donne le goût des bons alimens.

Dans Platon l’esprit de poésie anime les langueurs de la dialectique.

Platon se perd dans le vide ; mais on voit le jeu de ses ailes, on en entend le bruit.

Des détours, quand ils ne sont pas nécessaires, et l’explication de ce qui est clair, sont les défauts de Platon. Comme les enfans, il trouble l’eau limpide pour se donner le plaisir de la voir se rasseoir et s’épurer. À la vérité, c’est afin de mieux établir le caractère de