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JUGEMENS LITTÉRAIRES, PENSÉES ET CORRESPONDANCE.

fort entêtement ne donneront point de vraie efficacité à une idée faible fortement dite, parce que l’esprit seul va à l’esprit. Ce n’est pas une tête forte, mais une raison forte, qu’il faut honorer dans les autres et désirer pour soi.

Souvent ce qu’on appelle une tête forte n’est qu’une forte déraison.

L’esprit dur est un marteau qui ne sait que briser. La dureté d’esprit n’est pas quelquefois moins funeste et moins odieuse que la dureté de cœur.

On est ferme par principes et têtu par tempérament. Le têtu est celui dont les organes, quand ils ont une fois pris un pli, n’en peuvent plus ou n’en peuvent de long-temps prendre un autre.

Il est des esprits semblables à ces miroirs convexes ou concaves, qui représentent les objets tels qu’ils les reçoivent, mais qui ne les reçoivent jamais tels qu’ils sont.

Les questions montrent l’étendue de l’esprit, et les réponses sa finesse.

Les esprits ardens ont quelque chose d’un peu fou, et les esprits froids quelque chose d’un peu stupide.

Peu d’esprits sont spacieux ; peu même ont une place vide et offrent quelque point vacant. Presque tous ont des capacités étroites et occupées par quelque savoir qui les bouche.

Il faut qu’un esprit, pour jouir de lui-même et en laisser jouir les autres, se conserve toujours plus grand que ses propres pensées, et, pour cela, qu’il leur donne une forme ployante, aisée à resserrer et à étendre, propre enfin à en maintenir la flexibilité naturelle. Tous ces esprits à vues courtes voient clair dans leurs petites idées, et ne voient rien dans celles d’autrui. Esprits de nuit et de ténèbres, ils sont semblables à ces mauvais yeux qui voient de près ce qui est obscur, et qui, de loin, ne peuvent rien apercevoir de ce qui est clair.

Génies gras, ne méprisez pas les maigres.

Il y a des esprits fatigués qui vont l’amble et le traquenard ; mais leur allure ne déplaît pas à tous les goûts.

On se luxe l’esprit comme le corps.

À ces esprits lourds, qui vous gênent par leur poids et par leur immobilité, qu’on ne peut faire voler ni nager, car ils ne savent point s’aider, qui vous serrent de près et vous entraînent, combien