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cieuse munificence des princes qui les ont inspirés ou dirigés. Si quelquefois le goût leur a fait défaut, leur libéralité a toujours été grande, et la passion de l’art les a souvent animés et soutenus. Aimés des artistes, qu’ils traitaient en confrères, ils les ont trouvés moins exigeans, et, quoique fort limités par leurs ressources, ils ont pu tenter de ces entreprises devant lesquelles eussent reculé des souverains plus riches, mais moins bien secondés. Ajoutons que la position sociale des diverses classes de la nation allemande rendait plus facile cette heureuse modération des artistes qui permet de beaucoup entreprendre à peu de frais[1]. Étrangers à ces besoins factices, à ces goûts ruineux qui ailleurs font trop souvent dégénérer l’art en spéculation, qui aboutissent inévitablement à la gêne et à l’indigence, et à la plus fatale des ruines, à la ruine du talent, les artistes de Munich et des autres grandes écoles allemandes ont peu de besoins ; leur seul luxe, c’est l’étude ; leur seule vanité, c’est de se montrer supérieurs à leurs rivaux ; l’art pour eux n’est pas un moyen, mais un but ; s’ils le cultivent, c’est moins pour s’enrichir que pour satisfaire une passion et la faire partager à d’autres. Que leur manque-t-il encore pour arriver à ce rang supérieur auquel ils ont droit ? Une préoccupation moins grande du passé.

Les habitans des bords de l’Arend-See, dans la vieille Marche, racontent que dans les grands jours d’été, à l’heure de midi, quand le soleil brille de tout son éclat, on aperçoit au fond du lac les tourelles, les murailles et le corps entier d’un vaste château qui fut englouti dans les eaux il y a nombre d’années. La tradition ajoute que ce château renferme d’immenses richesses. Des pêcheurs, tentés par cet appât, voulurent un jour s’assurer de la profondeur du lac, afin de voir s’ils pourraient, en plongeant, atteindre jusqu’à ce château. Ils firent descendre une corde, et lorsqu’ils la retirèrent,

  1. Les frais des constructions du château royal à Munich ne dépassent pas, en effet, 2,000,000 de florins, ou 4,000,000 de francs. On peut juger par les détails suivans, extraits de l’ouvrage du comte Raczynski, des sommes attribuées aux divers travaux de peinture et de sculpture de ce palais :

    Gassen 
    4,300 florins.
    Herman 
    4,500
    Folz 
    5,500
    Kaulbach (salle du trône) 
    3,600
    Hess 
    7,200
    Hiltensperger 
    3,700
    Schwanthaler (les deux antichambres) 
    7,200
    Schnorr (jusqu’en 1835) 
    24,750