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L’ART MODERNE EN ALLEMAGNE.

tative des Allemands. Ce mot de Goethe nous paraît résumer assez exactement le livre de M. Fortoul, qui n’a fait que développer, en la complétant, l’idée du philosophe de Weimar. Les preuves ne nous manqueraient pas si nous voulions établir la justesse de cette assertion. Vingt passages du livre de l’Art en Allemagne démontreraient surabondamment que, si M. Fortoul n’a point osé se déclarer ouvertement byzantin, il n’a jamais hésité à avouer hautement ses prédilections pour les peintres de l’époque de transition qui a précédé la renaissance grecque, vieux maîtres des écoles allemandes ou fresquistes italiens des écoles primitives de Sienne, Florence et Pise. M. Fortoul n’ose peut-être pas se l’avouer, il est certain néanmoins qu’il fait partir la décadence de Raphaël, le premier corrupteur du goût, si l’on en croit les fanatiques d’une école dont cet écrivain est, il est vrai, l’un des organes les plus modérés. Faut-il s’étonner si, cédant aux mêmes influences, il condamne tout ce qui est postérieur au peintre d’Urbin, s’il accuse de faux brillant et de boursouflure les artistes de Venise, s’il reproche au Corrége jusqu’à cette grace enchanteresse, qu’il ne craint pas de qualifier de mignardise et d’afféterie ; si dans la Communion de saint Jérôme, le chef-d’œuvre du Dominiquin, il signale des concessions déjà trop fortes faites à la réalité.

Quand cet écrivain, qui touche parfois à la vérité, professe ces étranges hérésies, il obéit, il faut le dire, à des inspirations étrangères, il suit aveuglément une route ouverte par des esprits plus curieux que sincères, plus amis de la singularité que de la vérité. Croira-t-on, par exemple, que, lorsque M. Fortoul conseille « aux écoles qui sentent le besoin de se régénérer, de sauter par-dessus la tradition vénitienne d’où toute la décadence, à ce qu’il nous assure, a procédé, pour ressaisir, avec la tradition florentine, le germe pur et primordial de l’art, et qu’il ajoute que le dessin est la langue même de la peinture dont les couleurs ne sont que les bruits ; » croira-t-on que cet historien de l’art obéisse à des inclinations naïves et personnelles ? Ne sera-t-on pas plutôt fondé à penser qu’il ne fait que reproduire, en quelque sorte textuellement, les théories que les professeurs allemands développent dans leurs écoles, et les écrivains dans leurs livres ? Si l’on avait là-dessus quelques doutes, qu’on s’enquière des principes enseignés par les plus célèbres de ces professeurs, que l’on parcoure les ouvrages cités en tête de ce travail. Voici l’abrégé de leurs doctrines résumées par l’un d’eux, le peintre Schlotthauer, directeur de l’académie de Munich « On développera la réflexion et